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mère », de cet « abominable contrat qui m’engage à sentir d’une manière particulière dans une chose dont l’essence même est la spontanéité. » Et ce serait ici le centre heureux du livre, si le livre avait un centre.

En peu de temps, les deux personnages intéressés aux gestes de Suzanne se laissent convaincre par elle. Jude reconnaît facilement qu’il est permis de « défaire ce qu’on a fait par ignorance » et que le mariage, ignoble troc prostitueur ou pacte grotesque par lequel on promet de ne pas changer de goût, est la plus vaine et la plus immorale des formalités. Il faut s’évader, il le comprend, « des moules sociaux où la civilisation nous enferme », car ils « n’ont pas avec nos formes réelles une plus exacte relation que les figures conventionnelles des constellations avec la véritable carte stellaire. » — Triomphe moins vraisemblable et qui paraît la victoire définitive de la thèse : Phillotson, le vieux mari de Suzanne, et qui aime Suzanne, est persuadé par les arguments de sa femme. Il trouve raisonnable qu’elle le quitte pour aller vivre avec Jude.

Cette froide Suzanne est un champion bien singulier des instincts naturels. Elle tient à res-