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elle aussi capable de souffrance, Jude, dont le cœur est à elle tout entier et dont la vie est libre moralement et matériellement, lui avoue, tout confus, qu’il est, d’après les registres publics, un homme marié. Elle n’est pas de force en ce moment à sentir le mensonge des conventions sociales et des affirmations officielles. La nouvelle la blesse et l’irrite ; par dépit et par vengeance, par besoin aussi de se précipiter douloureuse en un refuge, Suzanne épouse un homme qu’elle n’aime point et qui est beaucoup plus âgé qu’elle. À peine le coup de tête accompli, elle se repent ; une répugnance physique l’écarte invinciblement de son mari. Après bien des agitations, bien des mouvements contradictoires, le flot pousse sur la terre de vérité cet esprit inquiet et troublé, épave enfin sauvée peut-être. Ses instincts, son cœur, son intelligence s’unissent en une noble harmonie de révolte. Elle sent et elle comprend que le mariage est le plus ridicule et le plus odieux des vœux perpétuels. Le plus souvent par la bouche de Suzanne, quelquefois par celle des autres personnages, et aussi en son propre nom, Thomas Hardy fait une critique victorieuse de ce « contrat permanent basé sur un sentiment éphé-