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Sa folie est un étourdissement peu durable. Il se réveille, se relève et, comme tous les convalescents, voici que joyeux il consent à la vie. La matière sourit bienveillante à sa jeunesse et à sa force. Il croit retrouver en elle, plus gaie, plus superficielle, moins dangereuse aussi, la promesse d’amour, l’illusion naïve et chantante à laquelle il tendit les bras en sa prime venue et qui, suivie par son regard, suivie par tout son corps oublieux de l’équilibre, fut pour beaucoup dans les brutalités de la chute. Et voici, parmi les gros plaisirs bruyants d’une kermesse, des flirts subtils et griffants. Et voici des joies sensuelles relevées de sourires ironiques et de fines paroles.

Pour délicat que soit le bouquet et pétillante la coupe, le vin enivre et l’ivresse cause l’écœurement. De l’abîme qu’il aima, admirant « la vastitude de l’image céleste réfléchie », le poète maintenant s’évade, le cœur soulevé. Il monte l’escalier ardu qui conduit à la vie solitaire et consciente, l’escalier qui promet l’éternel. Il monte, lent et las, souvent hurlant d’ennui, se retournant avec des regrets vers les lueurs infernales ou terrestres. Mais il ne peut revenir en arrière et son effort deviendra enfin vaillant