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quand on lit ses grands poèmes, on est trop pénétré par leur étonnante poésie, pour songer à jouir de leurs mérites techniques. La beauté humiliante de son œuvre et la noblesse gauche de ses gestes dans la vie éloigneront sans doute de lui le succès. Mais il est destiné à la gloire et, dès qu’ils le verront couché dans la définitive immobilité, envieux et critiques répéteront le mot effaré : « Nous le croyions pas si grand ».

Le premier recueil d’Émile Boissier, Dame Mélancolie, parut en 1893 précédé d’une préface de Paul Verlaine. Le préfacier trouve déjà la pensée de Boissier « revêtue d’une forme parfaite, solide, souple et brillante comme une arme de luxe. » Et il salue « ce superbe premier livre qui engage fort l’auteur, » car « noblesse oblige. »

Dame Mélancolie contient des poésies, et des proses rythmées. Les proses comprennent, outre des morceaux de pur métier, une sorte de conte médiéval, La mort du page, d’une mélancolie charmante encore qu’un peu jeune.

Les vers sont très supérieurs. On y trouve déjà quelquefois l’image originale, qui sera un des deux grands mérites de Boissier. Déjà aussi on y rencontre souvent le rythme doux, et es-