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sent, beautés étonnantes, barbares, étrangères aux modes du jour, blessantes au médiocre qui lit. On ne saurait les pardonner à quelqu’un qu’on risque de rencontrer. On admire de telles richesses seulement quand l’auteur disparu n’est plus à notre pauvreté une insulte vivante. Jacques Fréhel passera noblement inconnue et méconnue. Mais, si Demain est juste, il l’assoira dans le temple à côté de Chateaubriant et de Lamennais et saluera en elle la grande gloire féminine de la Bretagne.

Elle est d’âme assez grande et assez fière pour aimer l’incertain d’une telle destinée ; pour diriger ses yeux vers cette aurore hésitante, le sourire de la gloire posthume ; pour laisser rarement l’ironie d’un regard qui descend très bas tomber sur l’injustice contemporaine, bouche stupide obstinément fermée.

Voici un autre breton également inconnu et également admirable. Considéré seulement comme versificateur, Émile Boissier a le métier le plus souple et le plus vivant, le plus savant et le plus naturel. Coppée et Hérédia sont, auprès de lui, des ignorants et des maladroits. Mais,