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d’une violente passion, ils revoient une lande épineuse et odorante. « Le genêt rajeuni balançait ses branches fleuries semblables à des rayons qui lanceraient des parfums ; et le soleil avait tant de force qu’on entendait déjà au midi, dans le pré, chanter le grillon noir dont la carapace est sculptée de signes étranges… »

Mais ils se sont égarés en quelque ancien chemin abandonné, creux comme un lit de torrent, et « où les racines des vieux chênes mettaient à la hauteur du front des passants le geste menaçant de leurs griffes tortueuses, de leurs serres noires ouvertes… » Arrivés, un peu effrayés, à la forêt, ils se sont enfoncés en quelqu’une de ces « cavernes glauques que formaient les trouées de verdure où s’entassait la fraîcheur ». Leur cœur de fièvre ne leur permet pas un long repos. Bientôt ils fuient le taillis et, parmi la clairière où vit « dans une virginale paix un peuple de digitales », leur corps s’allonge « au milieu des fleurs empoisonnées, comme une herbe fauchée ». On ne sait quel pressentiment hagard les redresse. Ils se sont éloignés inquiets ; à un carrefour ils ont vu « passer des lumières que personne ne portait ; et des cloches tintaient en avant, comme celles