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natures poétiques que l’auteur réussit à créer vivantes.

Vaine pâture est de 1899. Pendant trois ans Mme  Jacques Fréhel se tait. Sans doute elle a senti son insuffisance actuelle devant l’œuvre objective et qu’un labeur probe doit la guérir de son infirmité. Elle a compris le devoir que lui imposent ses dons merveilleux et qu’elle serait coupable envers son génie si elle ne le complétait de talent. Quand elle sort de son généreux silence, c’est pour nous apporter, à un an de distance, deux livres qui sont enfin des beautés achevées. Vaine pâture, roman manqué mais tout pénétré de parfums doux et amers de poème, me frappait d’un étonnement qui espère, d’une attente de joie. La richesse chaotique et passionnée de Bretonne, la gaucherie puissante et douloureuse de Déçue me soulevaient d’espérances et de regrets, d’inquiétudes et d’irritations, de craintes et d’exigeances. Voici, enfin, que j’éprouve, à deux reprises, l’admiration heureuse qui n’hésite plus.

L’artiste aujourd’hui est maître de son outil ; il a su le rendre docile tout en le gardant farouchement personnel. Jacques Fréhel n’est pas allée vers les harmonies apparentes, soumissions et