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feste inconsciemment les noblesses sans raideur d’une âme devenue stoïcienne tout en demeurant, par je ne sais quel miracle, passionnée et tendre, gracieusement féminine. Mais, si le stoïcien est sans peine un satirique hautain ou véhément, il ne deviendra qu’après bien des efforts un poète comique ou un consciencieux réaliste. Il ne s’intéresse pas facilement au détail des êtres vils ; il est trop naturellement moraliste pour être dès l’abord un attentif psychologue.

Mme  Jacques Fréhel, inégale encore à l’effort de composer un livre harmonieux et encore impuissante à faire vivre les personnages qui lui répugnent, est admirable dans la peinture de quelques êtres nobles, qu’elle fait passer malheureusement sur les marges de l’intrigue.

Aucun mot ne serait excessif pour louer la beauté souple et grande de deux de ses figures féminines : Moniqua, exquisement mélancolique, douce et bienfaisante ; Lazarine écrasée par les brutalités de son mari, intimidée, muette, mais d’une si profonde et si précieuse vie intérieure. Car ces êtres touchants, presque aériens, délicats, frêles comme des ombres, marchent pourtant devant nous en une grâce onduleuse et, par un don singulier, ce sont uniquement les