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rer en plein air. Tapissier lamartinien, il transporte son délayage dans un riche salon de collectionneur. Tout est changé au cœur désolé du propriétaire et pourtant « les deux grandes tapisseries de Filippino Lippi dressaient leurs personnages au fond de la paisible salle, alors comme aujourd’hui. » Et « les cartes de tarot » et « la princesse peinte par Pisanello » et « le piédestal d’argent du haut crucifix de Verocchio » et, en un mot, « tous les objets du musée, alors comme aujourd’hui, entouraient leur maître. » Peu d’écrivains, même parmi les immortels du jour, savent aussi bien que Bourget reprendre une grande inspiration pour la banaliser et la faire lucrativement grotesque. Il arrive même à ce beau converti de voler dans les lieux saints. Il n’est pas sorti des Confessions les mains vides et, sans nommer saint Augustin, il paraphrase en une page, qu’il réussit à rendre inepte, l’admirable « amabam amare. »

M. Bourget a visité beaucoup de salons et beaucoup de livres. L’idée d’emporter furtivement d’un salon quelque objet précieux à son snobisme lui répugnerait, sans doute. Mais il dévalise sans scrupule les livres où il passe et il remplit ses volumes de bibelots disparates pris