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fois, ces romans quelconques, ces nouvelles d’une douceur fade, ces chroniques d’un socialisme naïf et incertain, ont une incontestable utilité : quand les vers de M. Coppée nous paraîtront faibles, nous ne serons plus tentés de formuler ce vœu :

Il se tue à rimer : que n’écrit-il en prose ?

D’ailleurs, M. Coppée ne se tue pas à rimer. La rime semble se présenter à lui, d’elle-même. Et c’est peut-être ici que je vais trouver le plaisir cherché avec une ardeur sincère et une méritoire persévérance. Ma bonne volonté est récompensée : je lis trois cents vers en jouissant de la richesse constante de la rime. Mais M. Coppée a un mérite encore plus grand, c’est la souplesse variée du rythme. J’aime l’habileté sans effort de sa versification. Pendant trois cents vers encore, je m’étonne et m’amuse de l’ingéniosité des coupes, de ce que j’oserai appeler la ligne svelte et sinueuse du vers. Le vers de M. Coppée ressemble quelquefois aux femmes de Chéret et vous donne une sorte de joie presque physique. Il marche, élégant, léger, envolé, comme une parisienne.

Ma jouissance à le voir développer sa grâce grêle, et maladive un peu, était réelle. Je l’ai