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Clémence Royer est un esprit grave et même lourd qui, certes, ne songerait jamais à jongler avec des maximes. Elle passe pour le plus vaste des actuels cerveaux féminins ; de bons juges estiment sa puissance généralisatrice et sa force logique, et Renan la déclara « presque un homme de génie ». Malgré le « presque » et le sourire de Renan, l’éloge reste un peu gros. Mme Clémence Royer, écrivain pénible, a un vrai talent philosophique, mais un talent de disciple. Elle emprunte à Darwin ses principes et elle vaut surtout par la dialectique nette, vigoureuse, ingénieuse parfois dans sa lourdeur, qui lui permet de tirer d’intéressantes conclusions de détail et d’indiquer quelques applications inaperçues des vérités ou des erreurs évolutionnistes. Elle a aussi un intéressant instinct mathématique et architectonique. En face d’un événement de l’histoire, elle se demande souvent ce qui serait advenu de tout un peuple, cet événement supprimé. De telles rêveries semblent au départ capricieuses et féminines. Mais bientôt la puissance lourde des reconstructions exprime un esprit géométrique qui s’amuse à bâtir sur des hypothèses branlantes des équilibres d’univers. J’ai plaisir à voir avec quelle conviction elle remplit de mortier ses châteaux de cartes. Malgré l’inélégance du geste et la