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Pour voir de plus près ces pierres, il passe de longs mois entiers en Suisse ou en Italie. Il cherche à fixer sa demeure à Chamonix, au-dessus du chalet de Blaitière, mais le flot montant du tourisme l’en chasse. Alors il propose à la commune de Bonneville de lui acheter tout le sommet du Brezon, mais les paysans de l’endroit, stupéfaits qu’on veuille acquérir ces rochers nus et ce gazon bon tout au plus à nourrir quelques chèvres, soupçonnent le milord d’y avoir deviné un trésor et le découragent par leurs exigences excessives. Il s’en console en changeant de climat, mais non d’amour. « Une étude faite dans les jardins de roses de San Miniato, et dans l’avenue de cyprès de la Porta Romana, à Florence, est pour moi, dit-il, parmi les souvenirs des meilleurs jours de ma première existence. »

Longtemps cette passion l’a préservé des autres, et lorsque les autres sont venues, elle l’en a guéri. Jusqu’à dix-sept ans, la continuelle tension de son esprit et de son cœur vers le beau l’avait distrait des séductions de ce que la langue commune appelle la Beauté. Mais comme rien aussi n’est plus propre à développer jusqu’à un état maladif ce romanesque lakiste où les Anglais excellent dès qu’ils n’en sont pas dépourvus, le jour où le jeune ermite de Herne Hill leva la tête de ses