Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/352

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et il a appelé de ses vœux le règne de la femme. Elle est la Dea ex machinâ dans cette douce féerie d’humanité qu’il met à la place de la vie. Quand il désespère de l’homme laid et pervers, il se tourne vers elle — « dont le premier devoir est la Beauté », — et lui demande naïvement d’être vaillante là où l’homme fut faible, simple là où il fut vaniteux, dévouée là où il fut égoïste. Dans le portrait qu’il nous en fait, nous ne reconnaissons pas la femme savante et fastueuse des Renaissants, l’Isabelle d’Este de Léonard ou de Lorenzo Costa, que vous pouvez voir au Louvre, ni la marquise de Pescaïre du Véronèse, pas même la visiteuse de sainte Anne qui, sur les fresques de Sainte-Marie-Nouvelle, s’avance à pas comptés, toute scintillante des gemmes, dont Ghirlandajo, l’homme aux guirlandes, l’enguirlanda. Non. C’est la femme des primitifs, telle que vous l’avez vue chez les vieux maîtres flamands ou toscans de la première époque, assise simple et droite sur quelque chaise seigneuriale au dossier haut, gouvernant sa maison de son regard. Effacée comme une figure de tapisserie, puissante comme une fée, ardente et silencieuse comme un flambeau. Elle sait toute chose ; mais elle ne se pare point de sa science comme d’un bijou. Elle parle plusieurs langues, mais seulement afin de saluer l’étranger ou le pèlerin qui