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les personnes vénérables ? Mais alors la liberté, c’est le privilège des êtres les plus minuscules, les plus faibles, les plus vains ! « Le chien attaché à la chaîne est un animal bon et fort, — la mouche est libre. Tout obéit dans la Nature ; tout, par exemple, suit la loi de la gravitation. Seulement un rocher énorme la suit plus docilement qu’une misérable plume qui fera mille façons avant de tomber à terre.... Quand Giotto traçait son cercle en disant : Vous pouvez juger de ma maîtrise en voyant que je sais tracer un cercle impeccable, croyez-vous qu’il laissât à sa main une grande liberté ? » La doctrine des libéraux est que la liberté est une chose bonne pour l’homme, quel que soit l’usage qu’il en puisse faire. « Folie insondable ! indescriptible, impossible à considérer en face ! Enverrez-vous votre enfant dans une chambre dont la table sera couverte de vins délicieux et de fruits, les uns empoisonnés, les autres sains ? Lui direz-vous : Choisis librement, mon petit enfant ! Il est si bon pour toi d’avoir la liberté du choix ; cela forme ton caractère, ton individualité. Si tu prends la coupe empoisonnée ou les fraises empoisonnées, tu seras mort avant la fin du jour, mais tu auras acquis la dignité d’enfant libre !... »

Oui, il y a une liberté sainte et que tout homme doit conquérir : c’est la liberté vis-à-vis de ses