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D’ailleurs, qu’est-ce à dire : « faire vivre les ouvriers » ? Mais il n’y a qu’une façon de faire vivre quelqu’un : c’est de produire ou d’aider à produire des choses utiles à la vie, des choses qui nourrissent, qui vêtent, qui garantissent du chaud et du froid, qui guérissent et qui purifient ? Toutes les ingéniosités des économistes n’empêcheront point que, si l’on emploie cent hommes à démolir des masures insalubres d’une ville et à les remplacer ou à nettoyer les trous à fumier d’un village, on aura fait plus pour la vie que si ces cent hommes, transformés en valets de pied, ont passé le même temps à attendre dans des antichambres la fin de cent bavardages inutiles, ou à figurer, inutilement, les bras croisés, à côté décent cochers !

« Par exemple, dit Ruskin, vous êtes une jeune femme et vous employez un certain nombre de couturières pendant un temps donné en faisant un nombre donné de vêtements simples et utiles : supposez sept, desquels vous porterez l’un pendant la moitié de l’hiver et vous donnerez les six autres aux pauvres filles qui n’en ont point. Ainsi faisant, vous dépenserez votre argent humainement. Mais si vous employez le même nombre de couturières pendant le même nombre de jours à faire quatre, cinq ou six beaux volants pour votre robe de bal, volants qui ne vêtiront personne que vous et que