Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/273

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faut qu’on voie ! Efforts malheureux.... Qu’importe, s’ils sont héroïques ? Efforts pénibles.... Qu’importe, s’ils sont passionnés ? Les vrais amoureux sont toujours gauches ! Chutes, erreurs, recommencements, agonies devant ce modèle suprême.... Qu’importe, pourvu que tout concoure à nous montrer combien ce modèle est placé au-dessus de nos atteintes. « La gloire d’un grand tableau est dans sa honte, et son charme en ce qu’il exprime le plaisir qu’un grand cœur trouve à ressentir qu’il y a quelque chose de meilleur que sa peinture. » Tant que vous ne voyez pas cela, la tentative est médiocre « et vous n’avez jamais assez admiré l’œuvre d’un grand ouvrier, si vous n’avez pas commencé à la mépriser ! »

Exiger la perfection est toujours un signe qu’on méconnaît la fin de l’Art, d’abord, parce qu’aucun grand homme ne s’arrête de travailler que lorsqu’il a déjà atteint le point où il déchoit ; secondement, parce que l’imperfection est en quelque sorte essentielle à tout ce que nous savons de la vie. C’est le signe de la vie dans un corps mortel, c’est-à-dire du progrès et du changement. Rien de ce qui vit n’est rigidement parfait, — une partie déchoit, l’autre naît. La fleur de digitale — dont un tiers est encore en bouton, un tiers déjà flétri, et un tiers en complète floraison — voilà le symbole de la vie de ce monde. Et dans toutes les choses qui vivent, il y a certaines irrégularités ou certaines défaillances qui sont non seulement des signes de vie, mais des sources de