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physes épineuses. Et encore était-ce trop, ce qu’elle lui a demandé : Lohengrin a disparu.... C’est l’éternelle punition de l’esprit scientifique succédant à l’amour. C’est elle qui attend tous nos chercheurs : nos anatomistes, nos radiographes, nos chimistes, nos électro-physiologues, nos chronophotographes et nos mathématiciens. Le savant croit surprendre le mouvement : il l’arrête. Il croit maîtriser la lumière : il la chasse. Il croit saisir la vie du muscle : il le tue.

Ce que la lettre de la Science tue, l’esprit de l’Art le vivifiera. Et l’esprit de l’Art, c’est tout simplement l’Amour, l’admiration naïve, passionnée, satisfaite de ce que les yeux voient, ne cherchant pas plus à l’approfondir qu’à l’embellir. En disant que « tout grand art est adoration », Ruskin entend que l’artiste doit à la Nature non seulement de la chercher avec amour, mais de l’aborder avec respect, et qu’il doit respecter non seulement ses formes et ses couleurs, mais encore son plan d’ensemble et jusqu’en toutes choses et en toutes formes d’art, son dessein. Il n’admet pas que l’artiste se mêle de l’arranger, de la disposer autrement qu’elle-même ne s’arrange et ne se dispose. Il ne prononce qu’avec prudence le mot « dangereusement noble » de composition. Il repousse avec horreur la généralisation : il se défie de toute