Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/192

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mais explique-t-on la part que prennent à notre vie les formes et les couleurs ? On analyse bien des propriétés des corps, — a-t-on seulement cherché à connaître la propriété par excellence, celle qui unit toutes choses en ce monde : le pouvoir d’attirance et de sympathie ? Les raisonnements de nos physiologues ou de nos psychologues sont fort ingénieux, mais ne s’appliqueraient-ils pas tout aussi bien aux choses qui nous entourent, quand elles n’auraient ni la ligne qui assouplit, ni la couleur qui exalte ! Est-ce qu’on se douterait, à lire les philosophes, que le monde, dont ils parlent en termes si abstrus, si gris, si froids, soit ce frémissement de feuillages, ce ruissellement de clartés, cette palpitation de chairs, ce battement de paupières, cette flamme de regards qui en font tout le prix ? On bâtit des systèmes qui expliquent tout du monde, — hors son charme. On analyse les coins les plus secrets de l’âme, — hors son admiration. On démêle tous les rapports que nous avons avec la Nature soi-disant inanimée, — hors l’amour....

Toutes ces choses, répondra peut-être un savant, ressortissent à diverses sciences qui en rendent compte partiellement ou bien ne ressortissent à aucune parce qu’elles ne sont susceptibles d’aucun examen scientifique, n’étant qu’impressions variables selon chaque individu et, dans tous les