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tudes et des prétextes nobles à nos délassements. Il nous a dit où nous allions et pourquoi. Il l’a dit surtout à ses compatriotes, et parce qu’ils l’ont cru, les voilà cent fois plus attentifs aux choses esthétiques qu’ils traversent, et leur visage prend devant elles une expression d’extase qu’on chercherait vainement en qui ne fait point partie de ce que les sacristains d’Italie appellent déjà la confraternita di Ruskin.

Les comprennent-ils mieux ? Je n’en jurerais pas, mais ils savent qu’un Anglais les a compris. En jouissent-ils davantage ? Ils savent du moins que quelqu’un qui était de leur race et de leur foi en a joui, et cela pour des raisons scientifiques, pour des motifs moraux qu’il est honorable de partager. Grâce à lui, grâce à son goût historique et à ses évocations d’humanités disparues, on a le sentiment que des générations ont passé devant ces chefs-d’œuvre et ont joui, ont aimé, ont admiré. On jouit, on aime, on admire donc. On croit s’unir, par cette continuité d’admiration, à la grande âme universelle, qui a vibré et vibrera longtemps devant le même horizon. Lorsque vous êtes à un balcon du palais des Doges ou aux fenêtres du campanile de Sainte-Marie des Fleurs, ou encore lorsque, au plus haut de la dernière tourelle de la cathédrale de Milan, vous cherchez à découvrir le moutonne-