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C’est une bataille de rayons. On ne marche plus à l’obscure clarté des Sept lampes de l’Architecture, mais au clair soleil attique de la Reine de l’air. Lui aussi, il a débarrassé ses toiles du bitume. Même il s’abstient de toute couleur qui ne serait que transition. Pas plus que les peintres de son pays ne mélangent leurs couleurs dissemblables, il ne fond ses différents styles. Il ne blaireaute pas sa pâte littéraire. Rien n’est ciment. Tout est idées. Et afin, sans doute, que ces idées soient plus nombreuses en un plus petit espace, comme ces « fleurs qui se serraient les unes contre les autres, par amour », non seulement les phrases, mais les mots eux-mêmes se raccourcissent. La fin de la préface de la Reine de l’air est presque uniquement faite de monosyllabes. À mesure qu’il s’élève dans la pure région des philosophies, il semble que tous les grands ornements littéraires l’embarrassent, et comme un aéronaute qui, pour monter encore, fait le sacrifice de ses vêtements inutiles, le voilà qui jette par-dessus la nacelle les « longues traînes » et les « fraises empesées », les bizarreries du temps d’Élisabeth, « les inversions, les longues sentences exégétiques » et les purpurei panni et les cascade-fashions et les allitérations, toute la défroque des Sept Lampes et des Modern Painters, — et son style, dès lors allégé, prompt, précis, monte droit au but.