Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/106

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vous atteignez le sujet même ; seulement, étourdi de la chute, vous n’apercevez pas bien quel il est. Jeté dans cette exposition universelle des idées, vous vous mettez à rayonner dans tous les sens, inquiet de vous perdre et charmé de vous promener. Ce n’est pas que les étiquettes manquent. Il y en a plus que chez tout autre écrivain. Chaque phrase est numérotée, et les ruskiniens se disent entre eux : « Vous souvenez-vous du paragraphe 25 du chapitre VI du volume II des Pierres de Venise ? » ou encore : « Méditons le paragraphe 243 d’Aratra Pentelici ! » Vous apercevez, de tous côtés, des cloisons, des grilles, des compartiments qui semblent séparer les sujets les uns des autres : n’en croyez rien. Il est tels chapitres que vous trouverez réimprimés dans plusieurs volumes différents ; il en est d’autres qui, anticipant sur les suivants ou revenant sur ceux qui les ont précédés, dérangent toute l’économie du volume. « Ceci, avoue-t-il de temps en temps, appartient à une autre partie de mon sujet. » Ses livres se pénètrent comme nos budgets et sa composition s’enchevêtre comme ces graphiques de la marche des trains que s’évertuent à déchiffrer, dans les gares, les voyageurs désœuvrés. « Un de mes amis me reproche douloureusement le caractère décousu de ma Fors Clavigera, et insiste pour que j’écrive à la place un livre ordonné,