Page:Ruskin - Sésame et les lys.djvu/67

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

esprits, est aussi la première infirmité des esprits faibles[1] ; et au total l’influence impulsive la plus puissante sur la moyenne de l’humanité ; les plus grands efforts de la race ayant toujours pu être attribués à l’amour de la louange, comme ses plus grands désastres à l’amour du plaisir[2].

4. Je ne compte ni critiquer ni défendre cette force d’impulsion. Je veux seulement que vous sentiez combien elle est à Ia racine de l’effort ; spécialement de tout effort moderne[3]. C’est la satisfaction de la vanité qui est pour nous le stimulant du travail et le baume du repos ; elle touche de si près aux sources même de la vie que la blessure de notre vanité est toujours dite et à bon droit, dans sa mesure, mortelle ; nous l’appelons « mortification », employant la même expression que nous appliquerions à un mal physique gaugréneux et incurable.

Et quoique peu d’entre nous soient assez médecins pour reconnaître les effets de cette passion sur la santé et l’énergie, je crois que la plupart des hommes honnêtes connaissent et reconnaîtraient à l’instant sa puissance directrice sur eux comme mobile.

Le marin ne désire généralement pas être fait capitaine seulement parce qu’il peut gouverner le bateau mieux qu’aucun autre matelot à bord. Il désire être fait capitaine pour pouvoir être appelé

  1. Lycidns 71 (référence fournie par la Library Edition).
  2. Remarquez une certaine analogie de forme avec la Bible d’Amiens, II, 16. (N. du Trad.)
  3. Cf. la même idée dans le Maître de la Mer, de M. de Vogüé, (Note du Traducteur.)