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déterminer. Laissez-moi vous montrer comment ces deux pouvoirs me paraissent devoir être distingués I’un de l’autre. Nous sommes absurdes et d’une absurdité sans excuse quand nous parlons de « la supériorité » d’un sexe sur l’autre, comme s’ils pouvaient être comparés en des choses similaires. Chacun possède ce que l’autre n’a pas ; chacun complète l’autre et est complété par lui ; en rien ils ne sont semblables, et le bonheur et la perfection de chacun a pour condition que l’un réclame et reçoive de l’autre ce que seul il peut lui donner.

68. Voici maintenant leurs caractères distinctifs. Le pouvoir de l’homme consiste à agir, à aller de l’avant, à protéger. Il est essentiellement l’être d’action, de progrès, le créateur, le découvreur, le défenseur. Son intelligence est tournée à la spéculation et à l’invention, son énergie aux aventures, à la guerre et à la conquête, partout où la guerre est juste et la conquête nécessaire. Mais la puissance de la femme est de régner, non de combattre, et son intelligence n’est ni inventive ni créatrice, mais tout entière d’aimable ordonnance, d’arrangement et de décision. Elle perçoit les qualités des choses, leurs aspirations, leur juste place. Sa grande fonction est la louange. Elle reste en dehors de la lutte, mais avec une justice infaillible décerne la couronne de la lutte. Par son office et sa place, elle est protégée du danger et de la tentation. L’homme, dans son rude labeur en plein monde, trouve sur son chemin les périls et les épreuves de toute sorte ; à lui donc les défaillances, les fautes, l’inévitable erreur, à lui d’être blessé ou vaincu, souvent éga-