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cer l’histoire ; — ni l’unique faiblesse de son puissant amour ; ni l’infériorité de son sens critique à celui même du personnage féminin de second plan dans la pièce, cette Émilie qui meurt en lançant contre son erreur cette déclaration sauvage : « Oh la brute homicide ? Qu’est-ce qu’un tel fou avait à faire d’une si bonne femme ? »

Dans Roméo et Juliette, l’habile et courageux stratagème de la femme aboutit à une issue désastreuse par l’insoucieuse impatience de son mari. Dans le Conte d’Hiver, et dans Cymbeline, le bonheur et l’existence de deux maisons princières, le premier perdu depuis de longues années, la seconde mise en péril de mort par la folie et l’entêtement des maris, sont rachetés à la fin par la royale patience et la sagesse des femmes. Dans Mesure pour Mesure, la honteuse injustice du juge et la honteuse lâcheté du frère sont opposées à la victorieuse véracité et à l’adamantine pureté d’une femme. Dans Coriolan le conseil de la mère, mis en pratique à temps, eût sauvé son fils de tout mal ; l’oubli momentané où il le laisse est sa perte ; la prière de sa mère, exaucée à la fin, le sauve, non, à vrai dire, de la mort, mais de la malédiction de vivre en destructeur de son pays.

Et que dirais-je de Julia, fidèle malgré l’inconstance d’un amant qui n’est qu’un enfant méchant ? — d’Hélène, fidèle aussi malgré I’impertinence et les injures d’un jeune fou ? — de la patience d’Héro, de l’amour de Béatrice et de la sagesse paisiblement dévouée de « l'ignorante enfant[1] » qui apparaît ?

  1. Marchand de Venise, III, 2.