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pas ses propres enfants se massacrer les uns les autres par mille ou par dix mille chaque jour, en considérant seulement quel en sera vraisemblablement l’effet sur le prix du coton, et sans se soucier en aucune façon de savoir de quel côté de la bataille est le droit[1]. Une grande nation n’envoie pas non plus ses petits garçons pauvres en prison pour avoir volé six noix quand elle permet à ses banqueroutiers de voler avec grâce leurs centaines de mille livres, et à ses banquiers, riches des épargnes des pauvres gens, de suspendre leurs paiements « par la force de circonstances auxquelles ils ne peuvent commander », non sans ajouter : « avec votre agrément » ; et quand elle permet que de grandes terres soient achetées par des hommes qui ont gagné leur argent en parcourant en tous sens les mers de Chine sur des vapeurs de guerre, vendant de l’opium à la bouche du canon[2] et changeant au bénéfice d’une nation étrangère la demande ordinaire du voleur de grand chemin : « Votre argent ou votre vie » en celle de : « Votre argent et votre vie ! » Une grande nation ne permet pas non plus que les vies de ses pauvres qui n’ont rien fait de mal leur soient enlevées, brûlées par la fièvre des brouillards ou pourries par la peste des fumiers, pour l’amour d’une rente supplémentaire

    M. Briggs sur la ligne du North London. Matthew Arnold plaisante sur la démoralisation de notre classe causée par la tragédie de Bow (dans sa préface de 1865 à l’Essai sur la critique). (Note du traducteur.)

  1. Allusion, dit la « Library Edition », à la guerre de Sécession et à l’interruption du trafic du coton causée par le blocus des ports du Sud. (Note du traducteur.)
  2. Allusion, selon la même édition, aux guerres de 1840 et 1856 causées par l’opposition de la China au trafic de l’opium.