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Shakespeare et Alighieri connaissaient les hommes mieux que la plupart de nous, je présume. Ils vécurent tous deux au plus fort de la lutte entre les pouvoirs temporel et spirituel, ils avaient une opinion là-dessus, nous pouvons le penser. Mais où se trouve-t-elle ? Produisez-la devant la Cour. Énoncez sous forme de propositions la croyance de Shakespeare ou de Dante et envoyez-la juger près les Cours Ecclésiastiques.

26. Vous ne serez pas capable, je vous le répète, avant bien et bien des jours, d’arriver à la pensée véritable, à l’enseignement donné par ces grands hommes, mais en les étudiant un tant soit peu de façon honnête, vous vous rendrez capable d’apercevoir que ce que vous avez pris pour votre propre « jugement » était un simple préjugé apporté par le hasard, et les algues flottantes, inertes et mêlées, d’une pensée à la dérive ; bien plus, vous verrez que l’esprit de la plupart des hommes n’est en réalité guère mieux qu’une lande de bruyères sauvage, négligée et rebelle, en partie stérile, en partie recouverte des broussailles malfaisantes et des herbes vénéneuses, semées par le vent, d’une croyance perverse ; que la première chose que vous

    Il vous a vus, pasteurs, l’Évangéliste, lorsqu’il aperçut celle qui est assise sur les eaux se prostituant aux rois.
    Ah ! Constantin, de quels maux fut la source, non ta conversion, mais la dot que reçut de toi le premier pape opulent.

    Ces paroles (que je cite d’après la traduction de la Divine Comédie par Brizeux) plurent à Virgile. Il ne semble pas qu’elles produisirent le même effet à Nicolas III, car « tandis que je lui chantais ces notes, dit Dante, soit colère ou conscience qui le mordit, il secouait fortement les pieds. » (Note du traducteur.)