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devra être considérée, quand nous viendrons à l’étudier de près, sous trois chefs : il y a d’abord le pouvoir de la croix elle-même, et de la théorie du salut, sur le cœur ; puis l’action des Écritures judaïques et grecques sur l’esprit ; puis l’influence sur la morale, de l’enseignement et de l’exemple de la hiérarchie existante. Et quand on veut comparer les hommes tels qu’ils sont et tels qu’ils pourraient avoir été, ces trois questions doivent se poser séparément dans l’esprit : premièrement qu’eût été le caractère de l’Europe sans la charité et le travail signifiés par « portant la Croix » ; puis, secondement, que serait devenue l’intellectualité de l’Europe sans la littérature biblique ; et enfin que serait devenu l’ordre social de l’Europe sans la hiérarchie de l’Église.

43. Vous voyez que j’ai réuni les mots « charité » et « travail » sous le terme général de « portant la croix ». « Si quelqu’un veut me suivre qu’il renonce à soi-même (par la charité) et porte sa croix (par le labeur) et me suive[1]. »

L’idée a été exactement renversée par le protestantisme moderne qui voit dans la croix non pas un gibet auquel il doit être cloué mais un radeau sur lequel lui et toutes ses propriétés de valeur[2] seront portés, sur les flots jusqu’au paradis.

44. Aussi c’est seulement aux jours où la Croix était

  1. Saint Matthieu, xvi, 24 ; — Saint Marc, viii, 34, et x, 21. Voir dans le post-scriptum de mon Introduction une phrase des Lectures on Art où cette parole de saint Matthieu est magnifiquement commentée. — (Note du Traducteur.)
  2. Un des plus curieux aspects de la pensée évangélique moderne est l’aimable connexité qu’elle établit entre la vérité de l’Évangile et l’extension du commerce lucratif ! Voyez plus loin la note pages 237, 238, 239. — (Note de l’Auteur.)