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beaucoup : c’est pourquoi on les emploie principalement à la guerre et dans les chasses contre les grosses espèces de gibier. La seconde espèce de flèches à une pointe d’un bois fort dur, longue d’un pied et demi : elle est du palmier appelé aïri, et forme plusieurs crochets, qui ajoutent beaucoup à la gravité des blessures. Enfin, la troisième espèce ne sert qu’aux chasses de petit gibier : on la fait des branches droites de certains arbrisseaux, et l’on arrange en pointe quelques-uns des nœuds qui entourent ces branches, ce qui donne à la pointe une forme obtuse et verticillée. Les Brésiliens n’ont pas de carquois : leurs traits, étant trop longs, ne peuvent être portés qu’à la main : ils n’ont pas non plus de lances ni de javelots ; cependant ils se servent parfois de leurs longues flèches comme de javelots, surtout pour la pêche. Ces peuples ne font point usage d’armes empoisonnées comme les sauvages de la rivière des Amazones et de la Guiane. Quant à la pêche, les Indiens se servent rarement de filets : ils reçoivent leurs hameçons des Européens, et souvent ils tuent les grands poissons avec des flèches. Les canots sont rares : il n’y en a pas dans toutes les tribus. Quand les Botocudos parurent pour la première fois sur la côte, sous le nom d’Aymores, ils ne les connaissaient point ; aussi était-on préservé de leur attaque quand on était abrite par une rivière impétueuse : c’est peut-être l’origine de la fable absurde qui prétend qu’ils ne savaient pas nager. Il est d’autres peuplades qui, au temps de la découverte, se servaient de nacelles et de radeaux pour faire la guerre, et qui même paraissent avoir réuni de petites flottes : cependant il n’en reste plus de vestiges. Les canots des Indiens sont des troncs creusés, et longs parfois de vingt pieds : ils n’ont pas de voiles, mais ils emploient pour les faire manœuvrer de courtes rames. Les Indiens s’exercent dès leur plus tendre enfance à l’arc et à la flèche ; dès qu’ils ont acquis une certaine habileté, leur existence est assurée, et on les abandonne à eux-mêmes. On voit dans toutes leurs habitudes qu’ils partagent avec beaucoup de peuples sauvages la perfection des sens, des exercices du corps ; ils excellent à la course, à la nage, etc., enfin ils sont endurcis à toutes les fatigues, et supportent très-bien la faim et la soif. Mais si leur tempérance est grande en cas de besoin, leur voracité non plus n’a point de bornes : à l’exception des os les plus durs, ils mangent tout dans le gibier qu’ils abattent. Quand ils viennent dans les plantations des blancs ou aux postes militaires, ils ne cessent de demander des alimens, et dévorent tout ce qui leur tombe sous la main. Ils ne connaissent aucune mesure à la boisson : l’eau-de-vie et les liqueurs sont aussi dangereuses pour eux que pour les autres sauvages. Les Indiens eux-mêmes font une liqueur enivrante du suc de la tige du maïs ; ils l’appellent chica : ils la pressurent en mâchant la tige et recueillant dans un vase le suc qui résulte de cette opération.