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JEAN RUFUS. — PLÉROPHORIES. APPENDICE.

Viennent alors de longues considérations, égales à la moitié du récit, pour nous dire que le moine, de crainte d’être honoré, s’enfuit en Égypte, et pour nous le proposer comme un modèle d’humilité.

11. Voici la version syriaque d’après le manuscrit add. 12173, du vie ou du viie siècle :

Il y avait un solitaire égyptien à Constantinople, sous le règne de Théodose, et il habitait dans une petite cellule. Comme l’empereur sortait pour se distraire, il vint seul près de lui, la troupe (τάξις) qui l’accompagnait l’attendait à distance. Il enleva la couronne de sa tête et la cacha, et il frappa à la porte de ce solitaire. En lui ouvrant, celui-ci connut que c’était l’empereur, mais il n’en tint pas compte et ne le manifesta pas, et il le reçut comme l’un de ses suivants[1] ; ils prièrent et ils s’assirent. Et (Théodose) commença à l’interroger : « Comment sont les Pères d’Égypte ? » Et l’autre lui dit : « Tous prient pour ta santé. » Et il regarda dans sa cellule et il n’y vit rien qu’une petite corbeille (σπυρίς), dans laquelle il y avait du pain. Ce solitaire lui dit : « Mange » ; et il trempa du pain, il mit dessus de l’huile et du sel et il le lui donna et il mangea ; il lui donna de l’eau et il but. Et l’empereur lui dit : « Sais-tu qui je suis ? » Celui-ci lui dit : « Dieu sait qui tu es. » Et il dit : « Je suis l’empereur Théodose » ; et aussitôt il se prosterna devant lui. Et il lui dit : « Bienheureux êtes-vous, qui n’avez pas le souci du monde ; en vérité je suis né dans la (pourpre) impériale, et jamais je ne me suis rassasié de pain et d’eau si ce n’est aujourd’hui ; et cela m’a été très agréable. » Et l’empereur commença à l’honorer, mais le solitaire se leva aussitôt en hâte (et) s’enfuit en Égypte.

12. Ce petit exemple nous montre combien la transmission des Apophthegmes est compliquée[2]. Nous avons ici trois groupes : 1° le ms. 881 qui paraphrase mais n’a pas la préoccupation systématique, comme les deux autres groupes, de rattacher cette anecdote à l’humilité ; 2° le syriaque et Rufin ; le premier traduit, le second paraphrase, mais ils ont en commun plusieurs détails : la mention de la couronne cachée par Théodose qui manque dans CDEL ; la corbeille avec le pain sec qui manque dans CDE. Nous sommes donc conduit à

  1. Litt. : « des fils de sa cohorte (τάξις) » ; ces mots traduisent ταξεώτης.
  2. Nous en avons annoncé une édition dans les premiers programmes de la Patrologie, car ces petits textes nous préoccupaient dès avant 1903, mais les éditions préliminaires ne sont pas encore assez nombreuses pour permettre de donner des textes classés de manière définitive.