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l’étable, de l’écurie, &c. on n’a plus les mêmes facilités de les garantir des mouches ; les plus à redouter pour eux sont les mouches appelées taons, dont la piquure est si forte qu’elle traverse de part en part le cuir du bœuf, même dans la partie la plus épaisse. Si plusieurs taons s’acharnent à le persécuter, il rompt, brise ses liens, & s’échappe comme un lion furieux. On voit souvent dans les marchés, dans les foires, la plupart des bœufs qu’on conduit, s’agiter avec violence, s’emporter, méconnoître la voix de leur gardien, prendre la fuite & jeter par-tout l’épouvante. Le peuple dit qu’on leur a jeté un sort ; mais les taons, les seuls taons sont l’unique cause de tout le désastre.

Il arrive quelquefois que les piquures de ces mouches dangereuses, sont suivies d’ulcères, & que ces ulcères prennent un caractère inflammatoire lorsque des mouches d’espèces différentes y déposent leurs œufs, d’où proviennent ensuite des vers qui se nourrissent de la chair de l’animal, & dans laquelle ils s’implantent si fortement, qu’il est très-difficile de les en arracher : alors l’ulcère creuse de plus en plus sous les muscles, il s’y forme des clapiers ; enfin, il gagne jusqu’aux os. À l’article Ver, nous indiquerons la manière de les détruire, ainsi que ceux qui sont logés dans l’intestin rectum du cheval, dans les sinus frontaux du mouton, &c. Ces simples indications démontrent combien il importe de préserver les chevaux & le bétail des piquures des mouches. Dans plusieurs cantons de la Franche-Comté, on suit une coutume qui me paroît fort raisonnable. Les chevaux sont couverts, pendant qu’ils travaillent, d’une pièce de toile qui leur couvre tout le dos. La partie de devant s’attache au collier, & celle de derrière, à la croupière ; de manière que cette toile ne touche l’animal que par les côtés, & non pas sur le dos : une semblable toile leur couvre tout le ventre & jusqu’aux jambes de devant ; de sorte que la tête, l’encolure & les jambes sont les seules parties qui ne soient pas couvertes. Chaque pas de l’animal donne un mouvement aux toiles, & les mouches, fatiguées parce mouvement perpétuel, vont chercher ailleurs à exercer plus tranquillement leur voracité. Cette méthode devroit particulièrement être suivie dans les provinces méridionales où les mouches & les insectes sont beaucoup plus multipliés que dans le nord. D’ailleurs, ces toiles blanches réfléchissent les rayons du soleil ; & comme elles ne touchent que par peu de points le corps de l’animal, il règne perpétuellement un courant d’air entre elle & sa peau. L’usage des caparaçons est également utile ; mais les mouches piquent le dos de l’animal entre les mailles ; la toile est à préférer.

On a proposé un nombre infini de décoctions faites avec des plantes à odeur forte & puante, & d’en frotter le corps de l’animal lorsqu’il va aux champs. On doit bien penser que celle du sureau n’est pas oubliée, ni celle de la jusquiame, de la pomme épineuse, &c. Outre le danger qui résulte de ces préparations, pourquoi vouloir empester pendant la journée entière, & les bestiaux & les conducteurs ? Tout le monde sait que les mouches fuient le vinaigre : ser-