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losités, cette indication demanderoit les caustiques : les injections fortes & corrosives rempliroient cette intention, si on pouvoit les faire sur les parties affectées seulement ; mais comme elles arrosent les parties saines, de même que les parties malades, elles irriteroient & enflammeroient les parties qui ne sont pas ulcérées, & augmenteroient le mal ; delà la difficulté de guérir la morve par les caustiques.

Dans la morve invétérée, où les ulcères sont en grand nombre, profonds & sanieux, où les vaisseaux sont rongés, les os & les cartilages cariés, & la membrane pituitaire épaisse & endurcie, il ne paroît pas qu’il y ait de remède ; le meilleur parti est de tuer les chevaux, de peur de faire des dépenses inutiles, en tentant la guérison.

Tel est le résultat des découvertes de MM. de la Fosse, père & fils, telles que celui-ci les a publiées dans une dissertation présentée à l’Académie des Sciences, & approuvée par ses commissaires.

Auparavant il y avoit une profonde ignorance, ou une grande variété de préjugés sur le siège de cette maladie ; mais pour le connoître, dit M. de la Fosse, il ne faut qu’ouvrir les yeux : en effet, que voit-on lorsqu’on ouvre un cheval morveux proprement dit, & uniquement morveux ? On voit la membrane pituitaire plus ou moins affectée, les cornets du nez & les sinus plus ou moins remplis de pus & de morve suivant le degré de la maladie, & rien de plus ; on trouve les viscères & toutes les autres parties du corps dans une parfaite santé. Il s’agit d’un cheval morveux proprement dit, parce qu’il y a une autre maladie à qui on donne mal-à-propos le nom de morve ; d’un cheval uniquement morveux, parce que la morve peut-être est accompagnée de quelque autre maladie qui pourroit affecter les autres parties. Mais le témoignage des yeux s’appuie de preuves tirées du raisonnement.

1°. Il y a dans le cheval & dans l’homme des plaies & des abcès qui n’ont leur siège que dans une partie ; pourquoi n’en seroit-il pas de même de la morve ?

2°. Il y a dans l’homme des chancres rongeans aux lèvres & dans le nez ; ces chancres n’ont leur siège que dans les lèvres ou dans le nez ; ils ne donnent aucun signe de leur existence après leur guérison locale. Pourquoi n’en seroit-il pas de même de la morve dans le cheval ?

3°. La pulmonie ou la suppuration du poumon, n’affecte que le poumon ; pourquoi la morve n’affecteroit-elle pas uniquement la membrane pituitaire ?

4°. Si la morve n’étoit pas locale, ou, ce qui est la même chose, si elle venoit de la corruption générale des humeurs, pourquoi chaque partie du corps, du moins celles qui sont d’un même tissu que la membrane pituitaire, c’est-à-dire d’un tissu mol, vasculeux & glanduleux, tel que le cerveau & le poumon, le foie, le pancréas, la rate, &c., ne seroient-elles pas affectées de même que la membrane pituitaire ? Pourquoi ces parties ne seroient-elles pas affectées, plusieurs & même toutes à la fois, puisque toutes les parties sont également abreuvées & nourries de la masse des humeurs, & que la circulation du sang, qui est la source de toutes les humeurs, se fait également dans toutes les parties ? Or il