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tiques, a un goût balsamique, que n’a point celui des plaines les plus fertiles. Dans les riches campagnes on a l’abondance, & sur les montagnes & les coteaux, on en est dédommagé par une meilleure qualité. Celui du mont Hymette, dont les Grecs faisoient leurs délices, étoit le produit des abeilles qui avoient sur cette montagne toutes sortes de plantes aromatiques à discrétion. Le miel de Narbonne, si vanté parmi nous, & dont la qualité est très-supérieure à celui des autres pays, tire son goût balsamique du romarin, de la mélisse, & de quantité d’autres plantes odoriférantes qu’il y a sur les Corbières d’où vient le miel, mal-à propos dit de Narbonne.

Le miel de la première qualité est toujours celui que fabriquent les abeilles qui habitent les montagnes ; celui qu’on peut appeller de la seconde qualité, est recueilli par elles dans les prairies & dans les campagnes couvertes de sarrasin ; & lorsqu’elles sont logées dans les bois, elles en font d’une qualité encore inférieure. Le plus blanc est le meilleur, & désigne un miel de montagne ; il répand alors une odeur douce, agréable & aromatique ; il est épais, grenu, clair & fort pesant. Le miel jaune est d’une qualité inférieure, quoique très-bon : il n’a pas toujours eu cette couleur au sortir de la ruche ; assez ordinairement il est un peu pâle, & c’est à mesure qu’il vieillit qu’il devient jaune, de même que le blanc, qui perd aussi un peu de sa première blancheur. Il faut donc toujours préférer le miel des montagnes & des endroits secs & arides à celui des pays gras. Celui qu’on sort de la ruche au printemps, est le meilleur & le plus estimé ; celui que l’on prend en été, n’est pas aussi bon ; mais il est encore meilleur que celui qu’on ne prend qu’en automne ; celui des jeunes essaims est préférable à celui des vieilles abeilles.

Le miel est donc assez ordinairement de deux couleurs, c’est-à-dire blanc & jaune ; il n’y a que le plus & le moins dans les teintes. M. de Réaumur en a trouvé une seule fois, il est vrai, dans une de ses ruches, qui étoit verd : dans les alvéoles d’où il avoit été sorti il paroissoit un suc d’herbes ; & quand il fut déposé dans un vase, cette couleur devint plus claire. Ce qui est très surprenant, c’est que dans la même ruche où fut trouvé ce miel verd, les autres gâteaux n’en contenoient que du jaune. Cette couleur verte, qui n’est point ordinaire, provenoit peut-être d’une mauvaise disposition de quelques abeilles.

En général, le miel ne diffère que du plus au moins pour la bonté & pour le goût : il peut y en avoir cependant, qui, quoique d’un goût agréable, soit d’une très-mauvaise qualité, & devienne un aliment très pernicieux, dont il seroit dangereux de faire usage. De même que les plantes aromatiques contribuent à sa bonne & bienfaisante qualité, celles qui sont mauvaises, qui contiennent des sucs mal-faisans, des principes venimeux, peuvent aussi lui donner des qualités dont il seroit dangereux de faire l’épreuve. On sçait que le miel des abeilles qui sont logées près des buis où elles vont souvent, a un goût âcre & dur : des plantes dont les sucs sont nuisibles, peuvent communiquer leurs mauvaises qualités au miel que les abeilles