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avoisinent les possessions, sont-ils assez creusés ? Ne craint-on point les débordement, & les engravemens ? L’eau, pour abreuver les bestiaux, est-elle éloignée de la métairie, ou bien, la qualité d’une eau plus rapprochée, est-elle pure ? A-t on assez d’eau pendant toute l’année, malgré les sécheresses, pour le service aisé de la métairie ? Le corps des bâtimens est-il placé dans le centre des possessions ? S’il est à une de ses extrémités, quelle sera la perte du temps pour les hommes & pour les bestiaux, lorsqu’il s’agira d’aller cultiver les terres, & d’en rapporter les récoltes ! Trouve-t-on dans cette métairie les bois de chauffage nécessaires à la consommation ; les bois propres aux réparations, ainsi que les pierres & le sable ? Le légumier & les arbres fruitiers sont-ils en proportion avec les besoins ? L’air y est-il pur ? Est-on éloigné des étangs, (voyez ce mot) des marais, des eaux stagnantes, causes indubitables & permanentes des fièvres, & des épidémies ? Enfin les chemins qui aboutissent à des villes ou à des rivières, qui assurent les débouchés, sont-ils en bon état, & le lieu des débouchés est-il éloigné ? Ces observations de détail paroîtront minutieuses à l’habitant des villes, mais le bon cultivateur qui calcule la perte du temps, qui fait que le bon travail dépend de la santé de ses valets & de ses bestiaux, n’en jugera pas ainsi.

D’après cet examen général & particulier, d’après la juste balance des avantages & des inconvéniens, des produits certains & des produits casuels, on se décide à faire l’acquisition de cette métairie mais jusqu’à présent on n’a rien fait pour s’assurer si on en jouira paisiblement.

Un homme qui vend, a nécessairement des raisons, des motifs qui l’engagent ou le forcent à se dessaisir de ce qu’il possède, sans quoi il ne vendroit pas, parce qu’on n’aime pas à se dépouiller. On peut donc dire en général que la vente d’une métairie suppose que les affaires du vendeur sont dérangées. Que sera-ce donc si ce vendeur est de mauvaise foi, s’il les a dérangées sourdement, si, pour se procurer de l’argent, il a laissé accumuler hypothèques sur hypothèques, si les contrats ont été passés dans un lieu éloigné, &c. on achettera, on payera. Les hypothécaires ne tarderont pas à paraître, ils entreront dans leurs droits, & l’acheteur perdra la somme qu’il a payée : ces exemples ne sont pas rares.

Les substitutions sont encore des fléaux dans l’acquisition ; elles ont force de loix jusqu’à la quatrième génération. Or, on peut facilement supposer que chaque individu vivra cinquante ans ; il s’écoulera donc deux siècles avant que la terre soit libre ; comment veut-on après cela que la tradition de pareille substitution se perpétue dans un canton, sur-tout si la métairie est affermée de père en fils, & si ces propriétaires habitent de grandes villes, où tout se confond. Il arrive même trop souvent que l’intérêt des familles exige que le testament reste secret les loix ont bien ordonné des formalités d’enregistrement, &c, mais combien de perquisitions ne faut-il pas faire avant de découvrir la vérité ? Il n’est même pas toujours possible à l’acquéreur de lever le voile du mystère, sur-tout si le vendeur n’est pas de bonne foi. La tranquillité & le