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l’aiment mieux telle. Les dames créoles en mangent de préférence au pain de froment quand elle est sèche, mince & bien unie. Cette espèce de cassave est de la plus grande blancheur, & cette préparation faite avec soin, est préférable à toutes celles dont nous allons parler ; elle se conserve quinze ans & plus ; elle peut être mise en farine pour faire du pain.


De la galette.


La galette est la plus mauvaise préparation de magnoc ; elle devroit être absolument défendue aux habitans, & il faudroit les empêcher d’en donner pour nourriture aux nègres.

Pour mettre la racine en galette, on a des formes en cuivre ou en fer-blanc, qui contiennent un poids déterminé de la racine rapée & pressée. On en remplit ces formes ; on y appuie la main, pour que la racine s’unisse & fasse masse ; on place ces formes dans le four, d’où on les tire aussitôt que la superficie de la racine commence à roussir, & on en retire les galettes, pour remplir de nouveau les formes. Il résulte de ce procédé une mauvaise galette, dont à peine les bords sont cuits ; l’intérieur s’est ramolli par la chaleur, & s’est mis en pâte : cette pâte, après deux fois vingt-quatre heures, est sujette à se moisir intérieurement ; & alors, non-seulement les nègres n’en peuvent manger, mais les cochons même la refusent. Cette galette est mauvaise quoique nouvellement faite, parce que l’intérieur s’aigrit en douze heures ; & lorsqu’elle n’est pas aigre, c’est une pâte dégoûtante qu’on ne sauroit mâcher ni avaler.


Du couaque.


Le couaque est la racine du magnoc qu’on dessèche & qu’on rissole après qu’elle a été rapée, pressée & boucanée. Les voyageurs qui s’embarquent sur le fleuve des Amazones n’ont pas d’autres alimens. Le couaque est inaltérable, & je puis le garantir tel, pour quinze ans. J’en ai gardé tout ce temps-là dans une boëte, & quoiqu’elle fût fort mal-close, que les insectes pussent s’y introduire, ainsi que l’humidité de l’air, ce couaque est resté aussi sain, aussi bon que le jour même que je le déposai dans la boëte à l’Isle de France. Il est essentiel pour apprêter en couaque la racine du magnoc, qu’elle ait été boucanée ; ensuite on a une chaudière de fer de moyenne grandeur, enchâssée dans un fourneau sous lequel on fait un feu très-modéré ; on passe au travers d’un crible la racine du magnoc boucanée pour en diviser toutes les particules, & on l’étend pour qu’elle se sèche de plus en plus. Cette racine ainsi préparée est jetée par jointées dans la chaudière de fer, & une personne agile a soin de la remuer avec un rouleau ou avec une pèle, pour que toutes les parties se desséchent sans s’amonceler. On continue insensiblement de jeter de nouvelles racines rapées, en les mêlant le plus promptement possible avec la farine qui est déjà en partie desséchée. La dessiccation étant au point convenable, on laisse la farine se torréfier légèrement, de manière qu’elle soit tout-à-fait privée d’humidité & un peu rissolée, puis on la retire & on l’étend pour qu’elle se refroidisse. Le magnoc est nommé couaque en sortant de la chaudière ; on peut en