Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/437

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

feuilles un grand nombre de cochons. Les racines peuvent avoir la même utilité. Il y a encore beaucoup d’autres variétés de magnoc, qu’il seroit trop long de décrire, il suffit de connoître les six principales.


Des différentes préparations du magnoc en farine, cassave, galette, couaque, cipipa.


Lorsque j’arrivai dans la Guiane françoise, continue M. Aublet, les habitans de l’isle de Cayenne & de la Guiane n’avoient point d’autre méthode pour raper la racine de magnoc, que celle qui leur avoit été indiquée par les naturels du pays. Ils se servoient d’une rape faite avec la planche d’un bois blanc & peu compacte. Dans cette planche on implantait de petits morceaux irréguliers de lave ou pierre de volcan, nommée à Cayenne grison. Alors les pores de la planche étant imbibés d’eau, se gonfloient, & par ce moyen les petits éclats de lave se trouvoient serrés. On promenoit cette racine sur la rape en pressant fortement. Les nègres étant obligés d’appuyer la poitrine contre la planche, pour la soutenir, leur sueur pouvoit communiquer des maux à ceux qui mangeoient de cette farine. Je fis exécuter la roue à râper le magnoc, que M. de la Bourdonnaye avoit donnée aux habitans des isles de France & de Bourbon, & dont on trouve la description & la figure dans l’histoire naturelle du Brésil, par Pison. L’on reconnut que trois personnes faisoient, au moyen de cette roue, le travail de douze. On pourroit encore renfermer cette roue dans une caisse, à la partie supérieure de laquelle on construiroit une boëte qu’on rempliroit de racines ; on y emboîteroit un madrier assez pesant pour faire avancer le magnoc sur la rape, à mesure que la roue tourneroit ; & par-là on économiseroit encore le temps du nègre qui présente la racine à la rape, & on éviteroit le danger qu’il court de s’écorcher les doigts à la rape, lorsqu’il veut l’employer toute entière. Comme cette opération n’exige pas une force supérieure, le courant d’un ruisseau pourroit faire tourner la roue, & on gagneroit par ce moyen le temps du nègre.


De la farine du magnoc.


Pour faire cette farine, on ratisse la racine, on la lave ensuite pour en séparer la terre ; d’autres personnes ôtent toute l’écorce, & par-là sont dispensées de laver la racine. Celle-ci étant râpée, on en renferme une certaine quantité dans une grosse toile ou natte propre à la retenir, & à laisser passer le suc, puis on la met sous une presse pour en extraire le suc. Les mottes, plus ou moins grosses, qu’on retire de la presse, sont placées sur une espèce de claie élevée de terre, sous laquelle on fait du feu pour dessécher ou boucaner ces parties, au point qu’on puisse, soit avec les mains, soit avec un râteau, étendre cette farine, la remuer, sans qu’elle s’amoncèle ; car, si elle s’amoncelait, la dessiccation ne seroit pas égale, il s’y trouveroit des grumeaux, & il seroit à craindre que ces grumeaux ne se moisissent intérieurement. On prend donc la racine de magnoc rapée, pressée & boucanée, & on la fait sécher au soleil le plus promptement possible, de crainte qu’elle ne prenne un goût acide. Lorsqu’elle est ainsi desséchée, on peut la conserver