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foquer facilement, si, en leur examinant l’intérieur de la gueule, on la tient quelque temps ouverte. On ne peut guères juger de leur poulx ; car les bêtes à laine sont si timides, que même, dans l’état de santé, les battemens en sont accélérés & irréguliers, lorsqu’on les saisit pour leur tâter le cœur ou l’artère crurale. La maladie, parvenue à son dernier terme, il sort de la gueule des bêtes une bave écumeuse ; leurs extrémités sont froides : on en voit beaucoup, qui, avec leurs excrémens, tantôt fluides, tantôt de consistance moyenne, rendent un sang peu foncé, & en petite quantité, ou par le nez, ou par la voie des urines : circonstance d’où vraisemblablement la maladie a pris son nom. Quelques bêtes ont de longs frissons ; d’autres sont si altérées, qu’elles boivent abondamment quelque espèce de boisson qui se présente : peu de temps avant la mort il leur survient un flux extraordinaire d’urine. Aucune de celles qui bavent, ou qui rendent du sang, ou qui boivent abondamment, ne guérit de la maladie.

La durée de cette maladie est ordinairement de six, huit, dix, ou douze jours, quelquefois plus ; mais rarement moins, à compter du moment où les bêtes à laine cessent de manger & de ruminer, jusqu’à celui de leur mort. Si elles en reviennent quelquefois, leur rétablissement se fait lentement. Nous avons observé, ainsi que M. l’abbé Tessier, que les bêtes les premières frappées de la maladie, périssent plus promptement que les autres.

Causes. D’après les observations de M. l’abbé Tessier, la maladie rouge ne paraissant pas contagieuse, ce sçavant a cru qu’il falloit en chercher la cause dans la manière dont on soignoit en Sologne les bêtes à laine, & dans la qualité des pâturages. Voici ce que ses recherches lui ont appris.

Au mois de novembre on forme, dans chaque métairie, deux troupeaux, l’un, de brebis pleines, & qui sont d’un âge plus ou moins avancé ; on y joint de jeunes femelles de l’année d’auparavant, parmi lesquelles quelques-unes ont des agneaux au mois de mars suivant.

Le second troupeau est composé d’agneaux nés au mois de mars précédent.

Chacun est conduit séparément aux champs, quelque temps qu’il fasse, à l’exception des jours de très-grandes pluies. On ne donne jamais rien aux bêtes à laine à la bergerie ; où il n’y a pas même des bateliers ; ensorte qu’elles ne vivent que de ce qu’elles trouvent aux champs. Si la terre n’est pas couverte de neige jusqu’à la mi-janvier, ou jusqu’après les gelées, elle fournit assez de nourriture aux bêtes à laine ; mais elles en manquent en février. Lorsqu’il y a de la neige, on les conduit dans les lieux plantés de genêt, ou dans les plus hautes bruyères, ou le long des haies. C’est alors qu’elles souffrent encore la faim. C’est à la fin de février, & dans le courant de mars, que les brebis font leurs agneaux. Elles seules, à cette époque, sont conduites dans les terres où l’on a récolté du seigle, & où il y a de l’herbe qu’on leur a réservée.

Si la saison est favorable, l’herbe pousse au mois d’avril, Si les troupeaux en trouvent abondamment.

Alors, on expose dans les bergeries des agneaux de lait, des bran-