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méthode dans tout le royaume ; mais elle ne peut avoir lieu que dans les pays où la récolte des bleds est finie à la fin de juin ou au commencement de juillet ; elle est interdite dans les provinces méridionales, parce que la sécheresse de l’été, la difficulté de soulever les terres par le labour, sont des obstacles qu’on ne sauroit vaincre. Il y arriveroit souvent que la graine semée en juin, ne germeroit qu’en septembre, par le défaut d’humidité convenable à son développement. Dans les provinces du nord, le bled n’est souvent récolté que dans le mois d’août, & il ne vaudroit pas la peine de le semer. Chacun doit donc se régler d’après la connoissance de la constitution de l’atmosphère du pays qu’il habite ; mais par-tout on aura l’époque fixe de semer au premier printemps, dès que l’on ne craindra plus les gelées. Les cent-cinquante livres de lupin coûtent, sur les lieux, à-peu-près 6 livres.

Cette manière d’alterner est bien simple, bien commode, & nullement dispendieuse. Le lupin enterré, tient lieu d’engrais, & c’est un engrais végétal excellent. De quelle ressource ne sera donc pas cette plante dans tous les cantons où les engrais & les pailles sont rares, où le sol est maigre, sabloneux ou caillouteux ! mais les terreins tenaces, glaiseux, argilleux, plâtreux & craieux, n’en retireront aucun avantage.

Les bœufs, les chevaux ne mangent pas les feuilles, ni les tiges du lupin ; mais en revanche les moutons en sont très-avides, sur-tout lorsque la plante est jeune : il est essentiel de garantir le champ de la dent du troupeau.

La meilleure manière de donner la graine du lupin aux bœufs, aux chevaux, aux moutons, &c. est de la faire moudre, & de leur en donner une certaine quantité soir & matin. Cette nourriture les tient fermes en chair, & les engraisse promptement. Quelques cultivateurs font infuser les graines dans plusieurs eaux, les dessèchent ensuite au four, & les font moudre. Cette dernière méthode me paroît préférable à la première, parce que l’amertume de l’écorce doit beaucoup échauffer l’animal, donner trop de ton à son estomac &c. &c. Cependant, dans tous les cas de relâchement, la première est plus utile, puisqu’elle tient lieu, en même temps, & de nourriture & de médicament.

Si on étoit curieux de faire la comparaison de la somme nécessaire pour l’achat des engrais animaux, capables de fumer un champ, & de ce que coûte l’achat de la graine de lupin, & les petits frais de culture excédens de la culture ordinaire, on verroit du premier coup d’œil, que tout l’avantage est pour le lupin, puisqu’il coûte très-peu, & que l’engrais se trouve à sa place, sur le champ même, & distribué également. On objectera que l’engrais animal sera plus actif, & durera beaucoup plus. Soit ! Mais quel est le particulier assez riche en engrais, pour fumer tous ses champs, & sur-tout ceux qui sont éloignés de la métairie. Il n’en est pas moins vrai que l’engrais du lupin est excellent, qu’il détruit les mauvaises herbes, tandis que les fumiers les multiplient dans les champs. Je ne connois aucune plante dont la culture soit moins coûteuse, ni plus avantageuse dans les pays