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tréfaction est assez prompte, & elle est accélérée par la chaleur ordinaire de la saison.

Après les prairies artificielles, le lupin est la meilleure plante pour alterner les champs ; (Voyez le mot Alterner) parce que c’est la plante, qui occupant le moins longtemps la terre, permet de donner les labours convenables avant de semer les bleds, & sur-tout, parce qu’elle se charge d’une grande quantité de feuilles, de fleurs & de rameaux ; c’est par ces raisons, que le lupin est préférable, pour alterner, aux raves & aux navets.

Au lieu de laisser un champ en jachères, pourquoi ne pas l’alterner ? Pourquoi, au lieu d’écobuer les terres, ne pas les semer en lupins ? puisque l’écobuage ne produit que peu d’effets, qu’il laisse une cendre bientôt dépouillée de son sel, la chaleur du fourneau ayant dissipé les principes huileux, inflammables, & ayant fait évaporer l’air fixe que les plantes contenoient. Au lieu qu’en semant le lupin, & l’enterrant, tous les principes restent en dépôt dans la terre, & les bleds que l’on seme ensuite en profitent. Si le sol est si maigre, que, de deux années l’une, il ne puisse produire une récolte, ou de seigle, ou d’avoine, semez des lupins pendant deux & même trois années de suite. Il en coûtera moins que d’écobuer, & on aura une meilleure récolte. Peu-à-peu, & en alternant sans cesse, on enrichira son champ, & on parviendra enfin à le faite produire tous les deux ans.

Un des grands avantages du lupin est de détruire complettement les mauvaises herbes. Comme il croît très-serré par ses rameaux ; comme ses feuilles multipliées, occupent tout l’espace d’un pied à l’autre, l’herbe qui sort de terre en même temps, est gagnée de vitesse, elle s’étiole, (Voyez ce mot) pour aller chercher la lumière, (Voyez ce mot) languit & périt enfin, privée des bienfaits de l’air. On seme, sur six cents toises quarrées, environ cent cinquante livres pesant de graines. Si le sol est bon, il rend communément vingt pour un, & de dix à quinze dans un terrein plus maigre.

On doit mettre à part, dans un champ, les plantes qu’on destine à grainer ; lors de leur maturité, on les arrache comme les pois, les haricots, & on les bat de même. La tige desséchée fournit à la litière des animaux ; on la brûle, & on en chauffe le four dans les pays où le bois est rare. Cette récolte ne détourne point des autres. La graine se conserve très-bien sur pied dans sa gousse, Si elle attend, sans craindre les pluies ou les frimats, qu’on vienne la récolter. Cette culture ne détourne donc pas des travaux de la campagne, objet qui la rend encore plus recommandable. Il faut semer le lupin, herser sa graine : voilà le seul excédent de travail ; car on n’en auroit pas moins donné à la terre les labours ordinaires.

Lorsqu’après une récolte de bled dans un bon fonds, on veut en avoir une de même qualité, ou de seigles dans l’année suivante, il convient de labourer fortement des que la première récolte est levée, de semer & herser aussitôt. Le lupin végétera passablement bien jusqu’en septembre, & alors on l’enterrera ; ensuite on sèmera à l’époque ordinaire. Il seroit à désirer que les climats permissent de suivre cette excellente