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mière, toute la feuille restera verte, excepté ce qui avoit été couvert ; enfin, si l’on expose de nouveau à l’action de la lumière, des parties de plantes étiolées, elles reprendront bientôt leurs premières couleurs ; ce qui démontre évidemment que la matière colorante ne circule pas, & que la lumière agit directement, par la présence ou son absence, sur la partie de la plante altérée ; qu’elle traverse l’épiderme, qui est transparent, pour aller agir, comme acide phlogistiquant, sur la matière parenchymateuse, lui donner la teinte verte qu’elle doit avoir. La lumière, au contraire, vient-elle à lui manquer, privée alors de ce principe essentiel, cette matière s’altère & blanchir.

Si l’on pousse plus loin l’observation, & que l’analyse chymique vienne apporter son flambeau pour éclairer nos pas incertains dans ce labyrinthe, nous trouverons que les plantes vertes contiennent beaucoup plus de principes, qui annoncent la présence du phlogistique, que les plantes étiolées. On peut aller encore plus loin ; ces dernières ont infiniment moins d’odeur & de saveur, & l’on sçait que le phlogistique est, pour ainsi dire, l’ame de ces deux qualités. Ce que nous disons des tiges & des feuilles des plantes, s’applique naturellement aux fruits qui ont beaucoup plus de goût, en proportion de la lumière qu’ils reçoivent. Cette observation est constante. Quelle différence n’y a-t-il pas entre la saveur des fruits des pays perpétuellement exposés à l’ardeur du soleil, & ceux des climats tempérés, où le soleil est rarement sans nuage !

Non content des nombreuses expériences qu’il avoit faites sur les plantes vivantes, M. Senebier a suivi [influence de la lumière sur elles jusqu’après leur mort, en examinant son effet sur les bois, & sur les teintures des plantes dans l’esprit de vin. Rien n’est plus curieux que les résultats de ces expériences, & ils nous donnent la raison de ces changemens singuliers que nous voyons arriver tous les jours aux différens bois que nous employons dans les arts. Tous les bois ne changent pas aussi vite ni aussi fort, & leur variation dépend, comme on peut le croire, de leur nature, de leur âge, & du degré de dessication. Les tables suivantes offrent le tableau des expériences de M. Senebier.

Le bois d’épine-vinette commence à changer au bout de 3 à 4 minut.
D’acacia 4 à 5.
De larze, ou larix 4 à 5.
De sapin blanc 40
D’abricotier, de 1 h. 15 minut.
De saule 4
De fernambouc. 4
D’érable 4
De cerisier 4
De houx 4
D’if 4
De poirier 4
De sassafras 4
De gayac 4
De mahogony 4
De rose 5
De tremble 5
De prunier 5
De tilleul 9
De palesandre clair 9
De quassi 12
De fayard, ou lière 14
De chêne 14
De noyer 18
De verne 19