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il augmente à mesure qu’ils se rapprochent & se réunissent. Telle est la cause qui fait que plus nous nous éloignons d’un objet, & moins nous le distinguons, & vice versâ. Plus nous sommes près d’un objet, & plus notre œil reçoit de ses rayons, ou, ce qui revient au même, il est frappé d’un mouvement plus vif de vibration. Ce mouvement, qui nous paroît instantané, puisque nous apercevons les objets à l’instant même que nous les regardons, est cependant successif lorsque la distance qui nous sépare est très considérable. Les rayons lumineux qui partent du soleil, ou la propagation du mouvement de cet astre à nous, employant, suivant les observations de Bradley, huit minutes treize secondes à parcourir trente quatre millions de lieues, distance du soleil à la terre. Suivant celles d’Hughens, quand les satellites de Jupiter sortent de l’ombre de cet astre, la lumière de ces satellites nous parvient d’autant plus tard que Jupiter est plus éloigné de notre globe, & la différence qu’on remarque dans cette vitesse va à dix minutes au moins, lorsque Jupiter est à sa plus grande & à sa plus petite distance.

Les molécules lumineuses sont si tenues & si déliées, qu’elles peuvent se croiser & se pénétrer, pour ainsi dire, sans se confondre ; c’est à cette propriété qu’est dû l’avantage le plus précieux de la lumière, par lequel une infinité de rayons, partant des objets qui sont placés au delà de nous, pénètrent le globe de notre œil, s’y croisent néanmoins sans se confondre, & vont peindre chacun distinctement, au fond de cet organe, l’image de chaque partie de l’objet qui les réfléchit.

Nous avons déjà observé plus haut que lorsque la lumière frappe un corps, une partie étoit réfléchie ou réfrangée, & l’autre absorbée par ce corps ; cette dernière portion s’y fixe au point qu’elle devient, pour ainsi dire, partie constituante de ce corps ; si elle peut y conserver son mouvement de vibration, cette portion communiquera au corps une portion de son éclat lumineux, ou plutôt la portion absorbée restant toujours lumineuse, illuminera le corps qui l’a absorbée. Certains corps sont plus susceptibles de conserver cet éclat que les autres, & lorsqu’ils ont été exposés longtemps au soleil, si on les transporte tout-d’un-coup dans un endroit très obscur, ils paroissent pendant quelques instans lumineux & phosphorescens. En général les corps blancs comme le papier, sont plus susceptibles que les autres de cette propriété. Si le mouvement de vibration s’éteint trop vite, le corps reste obscur, mais il n’en éprouve pas moins une nouvelle modification, qui dans les uns est une altération, & dans les autres au contraire est une espèce de vivification. Les propriétés physiques de la lumière bien connues, il en reste une chymique, que tous les savans s’accordent à reconnoître actuellement dans la lumière, & dont la démonstration nous mèneroit trop loin ; nous la regarderons cependant comme démontrée pour l’explication que nous avons à donner de divers phénomènes ; c’est une qualité acide ou phlogistiquante, qui a fait que quelques chimistes l’ont regardée comme le vrai phlogistique ; comme telle, la lumière joue un rôle très intéressant dans le règne animal & végétal, ainsi que nous allons le voir.