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son existence, & qui fait naître dans notre ame sa sensation par le mécanisme de l’organe de l’œil. Mais qu’est-ce que cette matière ? comment agit-elle sur notre œil, & y fait-elle naître le sentiment de la vue ? Ces deux questions importantes ont été longtemps discutées, sur-tout la première, & les physiciens, tant anciens que modernes, ne sont point d’accord sur la nature de la lumière. Le sentiment le plus généralement reçu, & que nous adoptons ici sans entrer dans de longues discussions, qui n’appartiennent qu’à des traités de physique, celui qui paroît expliquer le mieux & le plus naturellement tous les phénomènes qui dépendent de la lumière, c’est que la lumière est un fluide dont les parties sont extraordinairement tenues, disséminées, & remplissant tous les espaces vuides de l’univers. Parfaitement élastique par lui-même, il est susceptible de toutes sortes de mouvemens & dans tous les sens mais ce fluide n’est pas lumineux par lui-même, pour le devenir il a besoin d’éprouver certain degré de mouvement de vibration dans lequel consiste la lumière proprement dite, ou, pour mieux dire encore, duquel résulte la sensation de lumière dans notre ame.


§. II. La lumière a toutes les propriétés de la matière.


Si la lumière est un fluide, une matière, elle doit en avoir toutes les propriétés ; elle est divisible ; le prisme de tous les corps diaphanes qu’elle traverse en se reportant sous un angle connu, la décompose, la divise & la sépare pour ainsi dire en sept atomes colorés, dont la réunion faisoit auparavant la lumière blanche. 2°. Elle est pesante ; elle change de direction lorsqu’elle est à portée de la sphère d’attraction de quelques corps. 3°. Les molécules qui la composent ne sont ni simples ni homogènes, mais chacune est composée de plusieurs autres qui paroissent de nature différente ; ainsi le rayon rouge est bien plus pesant que le rayon violet, & entre ces deux on remarque une infinité de rayons intermédiaires, qui approchent plus ou moins de la pesanteur du rayon rouge & de la légèreté du violet. 4°. Elle est massive, & fait mouvoir des corps qu’elle frappe ; elle fait tourner sur son pivot une aiguille, placée au foyer d’un miroir ardent. 5°. Elle est élastique, & sans doute le plus élastique de tous les corps de la nature ; ce qu’on peut estimer facilement, parce qu’elle se réfléchit exactement sous le même angle sous lequel elle a frappé le corps qui le réfléchit. 6°. Enfin, elle tend, comme tous les corps, à se mouvoir en ligne directe, & elle s’y meut effectivement tant qu’il ne se trouve point d’obstacles sur son passage. S’il s’en trouve un, elle est soumise encore comme eux aux mêmes loix ; l’obstacle est-il perméable, & la lumière le pénétre-t-elle obliquement ? elle souffre alors, en le pénétrant & en sortant, un changement dans sa direction, par lequel elle s’approche plus ou moins de la perpendiculaire : c’est ce que l’on nomme en physique réfraction. L’obstacle est-il imperméable, alors elle se réfléchit, & c’est ce mouvement de réflexion qui, se propageant jusqu’à notre œil, produit en nous la sensation de la vue des corps.