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la capsule, qui renferme les semences, s’ouvre d’elle-même ; parce qu’alors la graine est mûre. D’autres prétendent qu’il faut arracher le lin encore verd ; quelques-uns enfin, annoncent la chute des feuilles comme un signe constant de la maturité de la graine. C’est la méthode de Livonie. Tous ont peut-être raison : il ne seroit pas bien difficile de concilier ces opinions.

Le premier point à examiner par le cultivateur, est la constitution de son climat, & la nature de son sol ; & s’il veut juger avec connoissance de cause, il doit, toute circonstance égale, cueillir son lin à plusieurs reprises, & examiner, 1°. lequel rouira le mieux & le plus vite ; 2°. lequel donnera la filasse la plus longue, la plus fine & la plus forte ; 3°. lequel de ces lins produira moins d’étoupes, ou moins de déchets, lorsqu’on passera la filasse par le peigne ; 4°. lequel fournira la meilleure toile & de plus grande durée. D’après un pareil examen il prononcera d’une manière assurée, sur-tout s’il répète ses expériences de comparaison pendant plusieurs années consécutives. Plusieurs lecteurs trouveront cette marche longue, ou ennuyeuse, & auroient peut-être mieux aimé que j’eusse désigné une époque fixe, un signe certain, &c. Je leur répondrai que toute assertion générale en ce genre est abusive, par cela seul qu’elle est générale, & que je l’induirais en erreur si je lui en donnois une. D’après cet aveu, il est aisé de conclure que ce que je vais dire ne présente que de simples apperçus, qui doivent varier suivant les circonstances & les climats.

Lorsque l’on travaille principalement pour la graine, c’est le cas de récolter le lin quand les capsules sont prêtes à s’ouvrir, sans attendre qu’elles soient ouvertes, parce qu’on perdroit la majeure partie des graines.

Si on travaille pour la toile de ménage & la graine, cette époque sera un peu devancée ; mais si on a pour but la filasse fine, on n’attendra pas l’époque à laquelle la capsule froissée dans les doigts, s’ouvre & répande sa graine.

Jetons encore un coup d’œil sur la plante. La seule partie utile du lin, la semence exceptée, est la filasse ; l’intérieur de la tige est un tissu ligneux dans son genre, comme celui du chanvre, & à fibres peu serrés, le tout revêtu par l’écorce ; & entre l’écorce & la partie ligneuse, on trouve un mucilage déposé par l’ascension & la d’ascension de la sève.

Dans toutes les plantes en général la sève est très-abondante jusqu’au moment où le fruit noue, Aoute. (Voyez ce mot) À mesure qu’il mûrit, la sève a moins d’aquosité, elle est moins abondante & plus élaborée ; enfin, lorsque le fruit est mûr, la plante annuelle se dessèche, & la plante vivace se conserve jusqu’à l’hiver, ne fait plus de progrès, & il est très-rare de la voir fleurir de nouveau, parce que le but de la nature est rempli ; c’étoit la reproduction de l’individu par ses semences.

D’après ces principes généraux, & qui ne peuvent être contestés par quelques exceptions particulières, il est clair que tant que la sève aqueuse, peu élaborée, montera avec abondance dans le lin, sa fibre sera molle, & aucune de ses parties n’aura encore la consistance que l’on demande ; enfin, que la filasse se désagrégera dans la suite en passant par le peigne,