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pluies d’orage ; on pourroit encore commencer à semer & à planter les légumes pour l’hiver suivant. Il est bon cependant d’observer qu’il vaut mieux donner quelques coups de charrue pendant l’été, afin de détruire les mauvaises herbes, que de trop-tôt se hâter de semer & de planter. Dans les provinces du nord, l’automne est la saison favorable ; la terre n’est ni trop sèche ni trop mouillée. Si elle est trop sèche, le travail est long, pénible & coûteux ; si elle est trop pénétrée par l’eau, il est inutile de le commencer, on paîtriroit la terre, on la durciroit & on la retourneroit mal. Dans quelque climat que l’on habite, on doit consulter les circonstances ; l’hiver & les glaces produisent dans le nord un effet opposé à ceux des provinces du midi, ils soulèvent le terrein & l’émiettent, mais les pluies & la fonte des neiges le tassent & le plombent trop vite.

Plusieurs Auteurs qui se sont fidèlement copiés les uns après les autres, conseillent de défoncer le sol jusqu’à la profondeur de quatre pieds, si on ne peut pas facilement se procurer de l’eau pour arroser, parce que la terre ainsi profondément retournée, conserve la fraîcheur pendant plus long-temps. Je demanderois à ces Auteurs s’ils pensent de bonne foi que cette terre se soutiendra toujours ainsi soulevée ; si petit à petit elle ne se plombera pas, & si une fois plombée elle conservera plus de fraîcheur qu’auparavant ? Je crois au contraire qu’il y aura plus d’évaporation, & par conséquent que les effets de la sécheresse se manifesteront bien plus vite. Sans la quantité convenable d’eau pour les arrosemens, il faut renoncer à toute espèce de grand légumier, à moins que l’on n’habite un pays où les pluies soient très-fréquentes pendant l’été, & en outre un pays ou la chaleur soit très tempérée dans cette saison.

J’ai dit plus haut que le sol des tranchées devoit être défoncé à la profondeur de trois pieds, mais c’est dans le cas qu’on plante des arbres fruitiers dans le légumier ; autrement la tranchée de deux pieds de profondeur est très-suffisante, parce que je ne connois point de légumes à racine pivotante qui plonge au-delà de ce terme. À quoi sert donc de multiplier la dépense, & d’enfouir au fond de la tranchée de trois pieds la terre de la superficie qui ne reverra jamais le jour, & qui devient inutile à la nourriture des plantes ?

Si la fouille a été faite immédiatement avant l’hiver, il est à propos de couvrir le sol avec du fumier bien consommé, afin que les pluies, les neiges la détrempent & imbibent la terre de sa graisse. Si au contraire la fouille a été faite après l’hiver, il convient d’enterrer le fumier à quelques pouces de profondeur, afin que l’ardeur du soleil & le courant d’air ne détruisent & ne fassent pas évaporer ses principes vivifians. Ce que je viens de dire supposé qu’on n’a pas la puérile envie de jouir du terrein aussitôt après que le travail est fini. Je ne cesserai de répéter ce qui a été dit au mot Défrichement, au mot Amendement. Il faut que la terre de dessous, ramenée à la superficie, ait eu le temps d’être travaillée & pénétrée par les météores. On éloigne, il est vrai, le moment de jouir, mais on jouit ensuite bien plus sûrement.

Jusqu’à présent tout a été du res-