Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/174

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

si ces arbitres ne s’accordent pas, un troisième sera nommé par le tribunal le plus prochain, pourvu cependant que le pâturage dont il s’agit ne soit pas sous la jurisdiction de ce tribunal.

Cet édit abolit plusieurs redevances payées auparavant par les troupeaux, lorsqu’on les conduisoit d’un pays à un autre ; il défendit aux bergers de céder leurs prétentions aux pâturages qui leur appartenoient par l’usage incontesté d’une saison, parce que le pâturage n’est point à eux, mais aux troupeaux. Personne ne pouvoit enchérir sur un bail, ni le possesseur affermer son terrein par la voie de l’enchère ; il étoit défendu à celui qui n’avoit point de troupeaux de prendre des pâturages à bail, & s’il en avoit, de ne contracter que pour l’étendue dont il avoit réellement besoin. Les communes ne pouvoient être affermées sous quelques prétextes que ce fût. Si un propriétaire ne payoit pas ses dettes, les créanciers n’avoient le droit de faire saisir que le nombre des brebis excédant celui de cent, & ce nombre devoit toujours lui rester. Le possesseur d’un fonds ne peut le vendre ni l’aliéner sans céder en même-temps le troupeau, & il n’est en droit de renvoyer son fermier que lorsqu’il s’est procuré un nombre suffisant de brebis. Afin de prévenir le haussement du prix des pâturages, il fut fixé & défendu de l’augmenter. Le droit de demander la fixation du pâturage n’appartenoit qu’aux possesseurs de troupeaux, & les champs dépendans du domaine de la couronne, furent soumis comme les autres à la même taxe.

Les troupeaux ont en Espagne la liberté, durant leur marche d’un pays à un autre, de se répandre à leur gré sur les champs incultes & dans les champs cultivés le long des chemins par où ils passent. Les propriétaires doivent laisser une espace de terre de quatre-vingt-dix varas, afin que les troupeaux trouvent de quoi vivre dans leur marche.

Les bergers jouissent de l’exemption de plusieurs impôts, comme ceux pour l’entretien des ponts, des chemins, des jurisdictions, &c. Si un berger a trouvé une brebis égarée, & s’il la perd de nouveau, il est obligé d’affirmer par serment à celui qui la demande, qu’elle a été perdue de nouveau, & non par sa faute, sans quoi il doit dédommager le demandeur.

Le sel est fort cher en Espagne ; mais comme il est important d’en donner aux brebis, les bergers vont en prendre à un prix plus modéré dans les magasins du roi, sans observer les formalités mentionnées & gênantes pour l’achat & le transport du sel. La diminution du prix est d’un quart, & on délivre dans ces magasins un fanega pour chaque cent de brebis ; le fanega contient deux mille deux cent quatre-vingt-un pouces cubiques de France.

Les bergers ont droit de demander sur leur route, soit en temps de paix, soit en temps de guerre, une escorte militaire pour les garantir de toute violence ; ils peuvent, par-tout où ils passent, abattre du bois pour leur usage sans en demander la permission, & on est obligé de leur procurer des pâturages séparés pour les brebis attaquées du claveau ou de quel qu’autre maladie contagieuse. Si la marche des troupeaux est suspendue par le débordement de quelque fleuve