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parce qu’ici ils n’agissent que comme masse. Dans la seconde, attelez-les successivement à une corde attachée à une poutre ou à un fardeau quelconque à tirer. Ici le bœuf aura l’avantage sur le cheval, parce qu’il est plus ramassé dans ses membres, plus court jointé, & ses points d’appui plus forts. Cependant on doit observer que les bœufs sont accoutumés à tirer deux à deux, au lieu que le cheval tire souvent seul ; il faut donc, pour rendre l’expérience concluante, supposer deux bœufs & deux chevaux égaux & bien proportionnés dans leur genre. Ce que je dis du bœuf & du cheval s’applique aux mules & aux mulets.

Voyons actuellement quels sont les animaux les moins coûteux pour l’achat & pour l’entretien.

On a dans tout le royaume en général une belle paire de bœufs de 5 à 6 ans pour 400 liv. ; une paire de mules de même âge, sans être de qualité première, coûte 1000 à 1200 1. Le prix d’une paire de chevaux est à-peu-près le même : donc pour la même somme j’aurai trois paires de bœufs.

Il faut à présent estimer le prix d’achat des harnois des chevaux, & leur entretien, & le comparer avec celui d’un joug & de la longue courroi qui sert à l’assujettir aux cornes de l’animal. Je demande de quel côté est l’économie ?

Le cheval, le mulet, demandent à être ferrés ; nouvelle dépense. Le bœuf n’a pas besoin du maréchal. Je sais cependant que dans certaines provinces du royaume, on ferre les bœufs. Cette précaution est tout au moins inutile. Par-tout ailleurs l’animal est sans fer ; & on objecteroit en vain la différence des sols, des climats, &c.

La nourriture du bœuf est peu coûteuse ; de la paille & quelque peu de soin lui suffisent chaque jour vers le midi, & les jours fériés il va pâturer dans les prés, dans les champs, & cette nourriture accessoire économise les provisions de la maison. Le mulet, le cheval au contraire exigent des repas réglés, toujours du fourrage, de la paille, & sur-tout de l’avoine. Il est donc clair que la dépense pour la nourriture, est d’un tiers plus forte pour ces animaux que pour le bœuf. Voilà trois économies réunies ; maréchal, bourrelier & nourriture ; que l’on calcule actuellement à combien elles montent à la fin de l’année dans une grande métairie !

Si j’avois à choisir entre le cheval & le mulet ou la mule, je préférerais ces derniers, parce qu’ils sont moins sujets à de grandes maladies, & demandent rarement les soins du maréchal : de là est venu le proverbe, il est coûteux comme un cheval à l’écurie.

Je connois les objections que l’on fait communément contre le service des bœufs, & je les réduis à deux principales. Ils sont moins expéditifs au travail, & on risque de les perdre par une épizootie.

Je conviens en général que les bœufs ont un pas tardif & lent ; mais est-ce leur faute ? Non, sans doute ; elle tient plus à la paresse du premier conducteur, qu’à l’impuissance de l’animal : ceci paroîtra peut-être un paradoxe ; un seul point de fait prouve ce que j’avance. Au Pérou & au Brésil, où l’on a transporté cette race de l’Europe, où elle est si mul-