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laboureur intelligent est un homme essentiel, & que l’on doit ménager & bien payer.

Pour éviter la peine, les laboureurs ordinaires ne manqueront pas de dire au propriétaire peu instruit : La couche de dessous est aigre, elle n’aura pas le temps de se cuire, la récolte sera perdue, &c. ; tous ces propos sont ceux de la fainéantise ou de l’ignorance. Laissez dire, & ramenez toujours plus ou moins une portion de la terre inférieure, & qui n’a pas encore travaillé. Sa qualité, comme je l’ai déjà dit, décide de la quantité. On peut augmenter cette quantité, si dans le temps convenable on a porté des engrais sur le champ, c’est-à-dire, avant le premier labour d’hiver, ou au second, au plus tard.

L’exécution de ce renouvellement de la couche supérieure, est moralement impossible, ou du moins très difficile, tant qu’on se servira de la charrue nommée araire, ou de la petite charrue à versoir. La première, dans quelques endroits, est appellée dentel, & la seconde, mousse. Ce sont presque les seules dont on se serve dans le Bas-Dauphiné, le Comtat d’Avignon, la Provence, le Languedoc. Elles grattent la terre à trois ou quatre pouces au plus de profondeur réelle : ce n’est pas labourer. Le sillon cependant paroît profond, à cause de l’élévation de la terre poussée sur ses bords mais ce labour n’est qu’apparent ; il peut être & il est même suffisant sur un sol maigre, & dont la couche supérieure repose sur une couche encore plus mauvaise. Dans tout autre terrein, c’est du travail perdu ou presqu’inutile. Dans ces provinces dévorées par la chaleur, on se plaint de la sécheresse, de ce que les bleds sont trop tôt surpris par le chaud, &c. ces plaintes, ces lamentations perpétuelles ne font pas ouvrir les yeux aux cultivateurs, & ils ne voient pas que si les labours avoient été plus profonds, les racines se seroient enfoncées dans la terre, & auroient moins promptement été privées de cette humidité qui constitue la bonne végétation. Si la contrariété des saisons, si le peu de bestiaux de labour que l’on nourrit, ont retardé les labours, enfin si le travail presse, on loue des paires de labours, & ou les paie à tant par jour ou par mesures du pays ; les propriétaires des mules, des bœufs ou des chevaux, veulent être bien payés, & rien n’est plus juste ; mais pour ménager leurs bêtes, le travail est mal fait, ils inclinent la charrue à versoir ; la terre paroît très-soulevée sur le côté du sillon, & elle l’est en effet, & le sillon n’a point de profondeur réelle. Si on les paie par tâche, le labour est encore plus mauvais. J’ai souvent offert à ces laboureurs à journées de prendre leurs bêtes, à condition qu’ils se serviroient de mes charrues qui piquent bien en terre, & aucun n’a jamais voulu s’en servir, quoique j’offrisse de payer leurs journées au-delà du prix courant. Les saisons, j’en conviens, diminuent ou perdent quelquefois les récoltes ; mais leur perte habituelle vient 1°. de ce que l’on laboure mal ; 2°. de ce que l’on laboure à contre temps.

Les partisans des labours multiplies, systême jadis si accrédité par M. Tull, & mis à contribution par plusieurs auteurs qui l’ont suivi, ne manqueront pas de faire une longue énumération des principes