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se contenter de labours légers, & cependant chaque année soulever un travers de doigt ou deux de l’inférieure (suivant l’épaisseur de la couche supérieure), afin de la métamorphoser petit à petit en bonne terre. Trop hâter ce défoncement, c’est nuire à la masse du champ. Cette terre chétive appauvriroit trop la bonne tout à la fois, & n’auroit pas le temps de s’imprégner des effets des météores, & de s’amalgamer avec les débris des substances animales & végétales, & de composer l’humus ou terre végétale principe.

Si sous la couche supérieure & mince se trouvent des rochers, des bancs de pierres, il n’est pas nécessaire de prévenir que les labours profonds sont inutiles, puisqu’ils sont impossibles. Mais si ces rochers, si ces bancs sont calcaires, & sur-tout s’ils se lèvent par feuillets minces, comme dans le grand banc de cette nature, qui s’entend depuis Blois jusqu’à l’extrémité de l’Angoumois, & dans plusieurs autres endroits du royaume, on fera très-bien de soulever ces feuillets, de les diviser à force de passer la charrue, parce qu’ils sont tendres, qu’ils se décomposent & se réduisent en terre, lorsqu’ils sont exposés à l’air. Quoique de tels champs n’offrent à l’œil que l’aspect d’un débris de pierrailles, ils donnent des blés superbes. Les pierres, les cailloux empêchent la grande évaporation de l’humidité, & cependant ils augmentent la chaleur du sol par celle qu’ils s’approprient en raison de leur dureté. Cela est si vrai, que dans nos provinces même les plus méridionales, ces terreins produisent d’excellens bleds, pour peu que la saison les favorise, & leur qualité est beaucoup supérieure à celle des blés de la plaine, ou venus dans de bons fonds.

On doit conclure que la profondeur des labours sagement faits, dépend de la qualité de la couche supérieure & de celle de la couche inférieure ; que sans cette attention, on cultivera toujours mal ; enfin, que chaque champ demande un labour particulier, dès que les circonstances ne sont plus les mêmes.

III. Des labours relatifs au parallélisme, ou à l’inclinaison du champ.

1°. Du parallélisme. Il est presque moralement impossible que le sol d’un champ soit parfaitement de niveau, & qu’il n’y ait une pente quelconque vers un ou plusieurs de ses côtés. Dans ce cas, il est aisé de donner issue aux eaux surabondantes, & par conséquent de labourer comme on le jugera à propos, après avoir auparavant bien étudié la nature du terrein. La coutume est, lorsque le sol est goutteux & qu’il retient l’humidité, de labourer ou en planche, ou en billons (Voyez ce mot) ou enfin à plat ; mais en ouvrant de grandes rigoles de distances en distances, plus ou moins multipliées, suivant le besoin. Il convient de relire l’article Billon, afin de suivre ce qui a été dit relativement au parallélisme du sol. Pour peu qu’il ait de pente, je préfère à tous égards le labour à plat, coupé par des sang-sues ou rigoles, parce qu’on n’a pas à craindre la stagnation des eaux, & sur-tout parce qu’il n’y a point de terrein perdu ou de grain submergé comme dans les labours à planches ou à billons.

Le climat que l’on habite, la rareté ou la fréquence des pluies, a