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si elle est brune ou flétrie, il ne faut pas acheter le pied.

Dans les provinces du midi & du centre du royaume, on les plante dans des vases avec une terre bien substantielle, telle que la terre franche mêlée avec moitié de terreau, & on recouvre le dessus du vase avec du fumier bien consommé. Le grand point est de faire en sorte que les racines soient bien étendues & touchent de tous leurs points les molécules de la terre. On donne une petite mouillure, afin de faire tasser la terre ; enfin l’arbre est planté, de manière qu’après le tassement de la terre, le colet des racines reste au niveau de la surface du vase. La partie devenue vuide, est remplie de nouvelle terre. Si le colet des racines est enterré, il en sort des branches qui sont sauvageonnées, & qui absorbent la sève, au grand détriment de la greffe. Le jasmin planté, si c’est dans l’hiver, on place le vase dans un lieu à l’abri des gelées, qui ait beaucoup d’air & ne soit pas humide. Si le soleil y donne, un peu de mousse tout autour du pied empêchera que ses rayons ne le dessèchent : la greffe ne doit point être recouverte.

Dans les provinces du nord, on fera très-bien d’enterrer les vases dans une couche vitrée, & de l’ouvrir autant de fois & pendant aussi long-temps que la saison le permettra. La couche les rend délicats, sensibles au froid, & on ne les en retire que lorsque la saison est assurée, & qu’ils sont en pleine végétation : l’hiver suivant on les reporte dans l’orangerie.

Ce jasmin est en culture réglée, c’est-à-dire cultivé en pleine terre à Grasse, Vence, Antibes, Nice & toute la rivière de Gènes ; la fleur se vend aux parfumeurs. L’arbre commence deux mois plutôt à y fleurir que dans le nord ; les gelées seules arrêtent sa fleuraison : si le froid devient apre (relativement à ces climats), on leur fait des espèces de cabannes ; les cannes ou roseaux de jardins servent de charpente ; par-dessus on étend un lit de paille, maintenu supérieurement par d’autres cannes qu’on assujettit de distance en distance avec les inférieures, afin que les vents n’enlèvent pas la paille. Les côtés de ces espèces de tables sont, dans les cas urgens, garnis avec de la paille longue, que l’on enlève dès que le danger cesse, parce que cet arbre craint singulièrement l’humidité. Le fumier n’est pas épargné sur la surface de la terre, & il est enfoui au premier labour après l’hiver : la culture du jasmin en exige beaucoup.

Dans les provinces du nord, on ne peut le cultiver en pleine terre, que derrière de bons abris, & encore faut-il multiplier les paillassons qui les garantissent rarement des grands froids, & les font sur-tout pourir par l’humidité qui se concentre en dessous. Je conviens que ceux qui passent ainsi l’hiver, donnent plus de fleur en automne : mais cet excédent peut-il être mis en comparaison avec le danger que l’arbre court ? Il vaut beaucoup mieux le conserver dans des pots, & les enterrer contre des murs pendant la belle saison, & les renfermer à l’approche des grandes gelées. Les jardiniers fleuristes des environs de Paris ont des fleurs pendant presque tout l’hiver, par le secours des couches vitrées.