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& continuellement les ouvrières s’occupent à les en fournir ; en se promenant sur les gâteaux, elles présentent de tems en tems leur tête aux portes des cellules, pour examiner si les vers ne manquent point de nourriture : celles qui arrivent de la campagne, vont tout de suite les visiter, pour leur donner les provisions qu’elles apportent, si la leur est finie. Si quelqu’ennemi menace d’attaquer leur domicile, elles courent aussitôt pour défendre leur famille, se promènent en bourdonnant sur les gâteaux, & se disposent à repousser ces ennemis cruels qui viennent égorger une famille sans résistance ; souvent il arrive qu’elles meurent victimes de leur tendresse, en combattant pour leur postérité.


Section VII.

De l’amour des Abeilles pour leur Reine, & leur attachement entr’elles.


Les abeilles sont si fortement attachées à leur reine, qu’elles ne l’abandonnent jamais ; celles qui vont à la provision, ne se décideroient point à la quitter, quelques pressans que fussent leurs besoins de prendre de la nourriture, s’il n’en restoit pas un nombre assez considérable dans l’habitation pour la garder. On la trouve toujours au milieu de plusieurs de ses sujettes, qui suivent tous ses pas ; & quand elles prennent leur repos, elles la mettent au centre du massif qu’elles forment, pour ne point la perdre de vue. Si cette reine unique vient à mourir sans laisser un jeune successeur pour la remplacer dans ses fonctions, les abeilles abandonnent leur domicile, leurs ouvrages, leurs provisions ; elles se dispersent de côté & d’autre sans espérance de retour : sans chef, errantes & vagabondes, elles périssent de douleur, ou deviennent la proie de leurs ennemis. Si cette reine abandonne son domicile, toutes ses sujettes la suivent, & l’endroit qu’elle choisit est celui que la troupe adopte, sans considérer si la position est avantageuse ou incommode. On ne forcera jamais des abeilles à se fixer dans une ruche, si la reine n’y est point ; & elles mourront de faim au milieu des provisions les plus abondantes, si on les enferme sans cette mère chérie. Qu’on leur rende cette reine dont on les a privées, les ouvrières se remettent à travailler avec ardeur, & redoublent d’activité pour réparer le tems qu’elles ont perdu. Un seul ver qui peut leur donner une reine, est capable de produire le même effet sur elles, de ranimer leur courage abattu, de leur rendre leur première activité, & de les consoler de leur perte par l’espérance qu’elle sera bientôt réparée. Dans les guerres, dans les batailles, cette reine est toujours placée au centre ; on ne souffre point qu’elle coure les risques du combat ; & tandis qu’on repousse les ennemis, une partie de ses sujettes demeure pour la garder & veiller à sa sûreté.

Cet amour des abeilles pour leur reine est toujours relatif à la multiplication de l’espèce ; les soins qu’elles lui rendent, les caresses qu’elles lui font, ce vif empressement à la suivre, à la défendre, supposent l’espérance d’une nombreuse postérité. Si cette reine cesse d’être féconde, elle cesse aussi d’être