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plus aisément du premier que de celle-ci ; un peu plus de bois ou de charbon dans le fourneau, suffit. Lorsque le soleil luit, il est à propos d’ouvrir une petite porte ou une petite fenêtre pour dissiper l’humidité surabondante, & avoir grand soin de fermer l’un & l’autre aussitôt qu’on le peut, afin de ne pas trop refroidir l’air de la serre.

Cette plante transpire beaucoup pendant l’été, & sa végétation est très-forte, comparaison gardée, avec celle qu’elle éprouve dans les autres saisons. La chaleur des rayons du soleil, concentrée & retenue dans la serre ou sous les châssis, la feroit périr, si la main du jardinier ne rendoit à l’ananas l’humidité que sa végétation exige ; c’est pourquoi il les arrose peu & souvent pendant l’été, & il a soin, de tems à autre, d’examiner tous ses pots, afin de s’assurer que les trous pratiqués à sa base ne sont pas bouchés ; le séjour de l’eau dans le vase feroit périr la plante. Dans les grandes chaleurs de l’été, & sous la température du climat de Paris, deux irrigations suffisent par semaine ; en Provence, en Languedoc, il conviendroit de les multiplier un peu plus. Il est bon d’imiter quelquefois la nature, c’est-à-dire d’arroser en manière de pluie fine, afin de laver & nettoyer les feuilles de la poussière qui s’y est attachée. On facilite par ce moyen leur transpiration, & sur-tout l’absorption des sucs & des sels tenus en dissolution dans l’atmosphère. Il est démontré que les plantes se nourrissent plus par leurs feuilles que par leurs racines, & les plantes grasses sont sur-tout dans ce cas : plusieurs mêmes n’ont besoin que du concours de l’air.

L’ananas demande d’autres attentions. Les racines poussent avec vigueur, & elles s’étoufferoient bientôt les unes & les autres, si le jardinier n’y veilloit avec soin ; d’ailleurs, la terre s’épuiseroit, & le fruit seroit maigre, petit. Je desirerois que ceux qui sont dans le cas de cultiver cette plante étrangère, substituassent aux petits pots dont ils se servent, des vases d’un diamètre trois fois plus grand, & d’une profondeur proportionnée. Il y a lieu de présumer que le rempotement deviendroit inutile, & qu’on auroit une plante plus vigoureuse, mieux nourrie, un fruit plus gros, plus succulent, plus parfumé. On rempote deux fois par an, & deux fois par an les racines sont mutilées : certainement ce n’est pas là la marche de la nature ; & dans les pays où cette plante est indigène, les racines y conservent leur intégrité. Cette expérience coûteroit peu à tenter pour un vase ou pour deux. Le terrain circonscrit d’une serre, le desir d’avoir beaucoup de pieds d’ananas, voilà je pense ce qui a prescrit & nécessité la loi du rempotement. L’expérience a prouvé que, par les rempotemens trop multipliés, on n’avoit jamais de gros fruits, que leur odeur étoit foible, & leur goût peu agréable. Elle a encore prouvé que, lorsque le fruit commence à paroître, si les racines touchent les parois du vase de tous les côtés, le fruit reste petit, & se charge en couronne. Si le fruit commence à paroître, & qu’on rempote alors, sa maturité est retardée, & il grossit peu.

Le tems de rempoter est à la fin